Zimbabwe : Les bons et les mauvais dictateurs11/12/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/12/une2106.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Zimbabwe : Les bons et les mauvais dictateurs

Prenant la suite de Bush, Nicolas Sarkozy clame haut et fort que Robert Mugabé, le président dictateur du Zimbabwe, doit partir. Il prend le prétexte de l'actuelle l'épidémie de choléra qui sévit dans le pays pour demander sa démission. Il reproche à Mugabé de n'avoir rien fait pour empêcher cette épidémie de se développer, et surtout de s'accrocher au pouvoir après avoir truqué les élections.

Depuis quand Bush ou Sarkozy se préoccupent-ils de « démocratie » en Afrique ? Depuis quand s'intéressent-ils au sort des masses pauvres ? La feinte indignation, au demeurant bien sélective, du président français n'est qu'une hypocrisie de plus. Comme ses prédécesseurs à l'Élysée, Sarkozy compte parmi ses amis des dictateurs africains peu recommandables : de Sassou Nguesso, parvenu au pouvoir après une guerre civile sanglante au Congo Brazzaville, à Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire.

Mais ce concert d'indignation est bien trop médiatisé pour être honnête. La Grande-Bretagne, l'ancienne puissance coloniale, en est le chef d'orchestre avec l'appui des États-Unis, tandis que la France leur emboîte le pas. Cette campagne a pour but de pousser Mugabé, qui n'est plus en odeur de sainteté auprès des puissances impérialistes, vers la sortie.

Mugabé ne fait plus partie des dictateurs « fréquentables ». Après toute une période où il était soumis au FMI qui lui demandait de démanteler l'économie nationale au profit des grandes compagnies multinationales en faisant payer cette politique aux masses pauvres du pays, Mugabé a refusé de le faire à la fin des années 1990.

En effet, suite aux vagues de grèves en 1997 protestant contre la politique d'austérité imposée par le FMI, Mugabé a lâché du lest et mis fin aux privatisations, rétablissant une partie des subventions d'État supprimées, tandis que le pays s'enfonçait dans la crise. En réaction, les prêts internationaux furent alors réduits. Les paysans pris à la gorge occupèrent les terres en friches de certaines grandes fermes européennes qui continuaient à exploiter les terres les plus fertiles. Mugabé tenta de redorer son blason en apportant sa bénédiction aux occupations sauvages. Mais du coup, Mugabé devint un dictateur « voyou » aux yeux de l'impérialisme, pour avoir eu l'audace de paraître encourager ceux qui s'attaquaient à la sacro-sainte propriété privée de ses représentants locaux.

Les puissances occidentales ont alors organisé un blocus économique asphyxiant le Zimbabwe, détruisant le tissu industriel du pays, réduisant la population à la misère. Aujourd'hui, le Zimbabwe est un pays au bord de la banqueroute qui connaît une hyperinflation, la plus forte du monde (un euro vaut près de 30 milliards de dollars zimbabwéens) !

L'épidémie de choléra actuelle est le résultat de l'augmentation de la pauvreté et de la détérioration du réseau d'eau potable et d'assainissement des villes. Elle a déjà fait plus de 600 morts et 12 000 personnes seraient infectées. L'ONG Médecins du Monde a déjà soigné plus de 5 000 personnes. Cette infection très contagieuse est mortelle, mais serait facile à soigner, ne serait-ce qu'en distribuant de l'eau potable à la population. Ce qui est à la portée de la France, de la Grande-Bretagne ou des États-Unis ! Mais cela, ni Sarkozy ni les autres représentants occidentaux n'en parlent.

Le régime dictatorial de Mugabé a sa part de responsabilité dans la crise économique et sanitaire actuelle. Mais les vrais responsables de l'asphyxie économique du pays sont avant tout les grands groupes agroalimentaires occidentaux qui exportent chaque jour des produits frais vers l'Europe, les compagnies minières, notamment anglaises, qui pillent les matières premières, et les banques qui mettent le pays en coupe réglée. Ce sont ces grands groupes qui ne lui pardonnent pas d'avoir apporté son soutien aux occupations de terres et qui aimeraient bien le voir céder la place à un dictateur un peu plus docile.

Aussi l'indignation actuelle des leaders occidentaux cache-t-elle bien mal la défense des intérêts de leurs multinationales respectives.

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