Lundi 1er septembre, les républicains avaient ajourné le grand spectacle de leur convention prévue à Saint-Paul (Minnesota) : la faute à l'ouragan Gustav, qui se dirigeait sur La Nouvelle-Orléans. Il faut dire que, il y a trois ans, l'attitude de l'administration Bush lors du cyclone Katrina avait eu des effets désastreux : alors que la ville était inondée et que 1 500 personnes, parmi les plus pauvres et les plus vulnérables, allaient y laisser la vie, Bush s'était déclaré, après un rapide survol en hélicoptère, " satisfait de la réponse du gouvernement fédéral ". Ce mépris avait alors fait plonger la cote de popularité de Bush.

Là, les républicains ont mis les bouchées doubles pour faire oublier Katrina : McCain s'est rendu en Louisiane et a appelé, sans rire, les Américains à " mettre de côté les divisions partisanes " et " à passer à l'action ".

McCain, faussement " indépendant "

C'est que, pour le candidat McCain, les choses ne sont pas simples. Au bout de huit ans au pouvoir, l'administration Bush est vomie. La guerre en Irak, les cadeaux éhontés aux classes riches, la corruption, l'arrogance des nantis à l'égard des travailleurs, alors même que la crise des subprimes (les prêts hypothécaires) a rendu 2,5 millions de propriétaires insolvables et gagne maintenant toute l'économie : tout cela a contribué à faire de Bush le président le plus impopulaire que les sondages aient jamais enregistré, tandis que les dernières élections au Congrès, fin 2006, ont été largement emportées par les démocrates. Certes, McCain a cultivé une certaine indépendance à l'égard de Bush. Il a ainsi, par exemple, fait voter un amendement contre la torture en 2005, et s'est opposé une fois à des cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Cette image d'électron libre l'a aidé à être choisi par les républicains. Mais sur le fond, McCain ne diffère pas d'un iota de Bush, dont il a voté 95 % des projets de loi en 2007, 100 % en 2008. Sur le fond, cet ancien officier et prisonnier de guerre au Vietnam a toujours été favorable à la guerre en Irak et affirme, aujourd'hui encore, qu'il faudra y rester " même cent ans, s'il le faut ". Il n'est pas avare de rodomontades bellicistes envers l'Iran.

Sarah Palin, vraiment bigote

Le choix par McCain de sa co-listière, Sarah Palin, gouverneur de l'Alaska, relève de calculs électoraux : dans le système politique américain, le candidat à la vice-présidence est censé rallier des électeurs auquel le candidat à la présidence ne convient pas vraiment ! John McCain est âgé (72 ans), Sarah Palin est jeune (44 ans). C'est une femme, et McCain espère récupérer une partie des électeurs démocrates qui avaient soutenu Hillary Clinton lors des primaires et sont réticents à voter pour Obama. Alors que McCain est souvent raillé pour sa grande fortune - il avait été incapable d'indiquer combien de maisons il possédait (au moins 8, en fait) ! - et est l'époux de la riche héritière d'un brasseur, Palin vient d'un milieu populaire et est l'épouse d'un syndicaliste. Alors que McCain est sénateur depuis vingt-et-un ans, elle est étrangère au sérail de Washington. Enfin et surtout, elle semble à même de lui permettre de faire le plein des voix de l'électorat de droite chrétien, plus ou moins fondamentaliste, qui avait constitué le socle électoral de Bush en 2000 et 2004, et sans lequel un candidat républicain ne peut gagner.

Cet électorat n'était guère enthousiasmé par la candidature de McCain, auquel il reprochait, en vrac, d'avoir divorcé de sa première femme, d'avoir soutenu une réforme du financement des partis, et d'avoir dit que les fondamentalistes étaient des " agents de l'intolérance ". C'est en partie à cause de cette opposition que McCain avait perdu les primaires face à Bush il y a huit ans. Depuis, McCain a donné de sa personne pour se faire pardonner : courtisant la droite chrétienne, il répète à tout va qu'il a toujours été opposé à l'avortement, et qu'il nommera des juges " strictement conservateurs " à la Cour suprême, qui pourrait prochainement restreindre le droit à l'avortement et étendre la peine de mort. Alors que McCain n'était pas opposé à la régularisation d'une partie des immigrés clandestins, il en est maintenant un farouche adversaire. Mais tous ces reniements ne suffisaient pas. Et le choix de Sarah Palin vise avant tout à combler ce que les États-Unis comptent de dévots. La gouverneur de l'Alaska s'est en effet toujours opposée à l'avortement. Elle l'a prouvé personnellement en donnant naissance à cinq enfants, et en choisissant d'aller jusqu'au bout de sa grossesse pour le dernier, bien qu'elle ait été avertie qu'il serait trisomique - un titre de gloire aux yeux des fondamentalistes. Elle défend donc le " droit à la vie ", mais c'est aussi une farouche partisane de la peine de mort : " Mon Dieu, pendez-les, ouais ", disait-elle récemment à propos de certains meurtriers. Elle est membre à vie de la National Rifle Association, qui milite pour défendre la vente libre des armes à feu. Et elle estime " salutaire " d'enseigner aux enfants le créationnisme aussi bien que la théorie de l'évolution.

McCain n'aura pas rechigné à avaler des couleuvres, fussent-elles de bénitier ! Quant à la bourgeoisie américaine, elle sait reconnaître chez McCain un des siens. McCain avait dit qu'il n'allègerait pas les impôts des riches ? Mais, interrogé sur qui est " riche ", il a répondu que c'était à partir de 5 millions de dollars (4 millions d'euros) de revenus annuels... ce qui laisse à quelques menus privilégiés des raisons d'espérer.

Quant à savoir si tous ces gages donnés à l'électorat réactionnaire suffiront à le faire élire, c'est autre chose.