Quand Sarkozy perd la mémoire : Le passé colonialiste de la France en Chine15/08/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/08/une2089.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Quand Sarkozy perd la mémoire : Le passé colonialiste de la France en Chine

Sarkozy a justifié sa visite éclair à Pékin en rappelant les liens qui unissent la France à la Chine. Il y a peu, il célébrait même, dans une interview, " l'amitié historique, indéfectible et inébranlable " liant les deux pays. En fait d'amitié historique, c'est plutôt la politique de la canonnière qui prévalut pendant plus d'un siècle où la France participa au dépeçage de la Chine en accord - et en rivalité - avec d'autres puissances impérialistes.

Au début du 19e siècle, la supériorité technique, industrielle et militaire de la Grande-Bretagne lui avait permis de prendre une longueur d'avance sur ses concurrents européens, et elle avait déjà introduit l'opium en Chine comme moyen de paiement. Les tentatives de résistance de la dynastie mandchoue déclenchèrent la Guerre de l'Opium, en 1841-1842. La Chine, battue, fut obligée d'ouvrir cinq de ses ports au commerce britannique et de céder Hong-Kong. Deux ans plus tard, par le traité de Whampoa en 1844, la France obtint des avantages similaires.

Entre 1850 et 1864, la révolte des Taipings contre le gouvernement chinois s'étendit dans le sud du pays. La dynastie chinoise étant en position de faiblesse, les puissances colonialistes en profitèrent pour renforcer leur domination. Deux interventions franco-britanniques eurent lieu entre 1858 et 1860, prenant comme prétexte la nécessité d'assurer la sécurité de leurs marchands et missionnaires. Les traités extorqués à la force des canons leur permirent d'obtenir de nouveaux avantages : légalisation du commerce de l'opium, substantielles indemnités de guerre, ouverture de nouveaux ports côtiers et fluviaux, nouvelles enclaves et concessions, etc.

À partir de cette date s'accéléra le dépeçage de la Chine, France et Grande-Bretagne cherchant à coloniser le sud, tandis que la Russie et le Japon visaient le nord et l'est du pays. Il s'accompagna d'un afflux de marchandises, puis de capitaux et de prêts qui placèrent les pays colonisateurs à tous les postes de commande de la vie économique chinoise et, par conséquent, renforça leur contrôle politique sur ce pays.

À la fin du 19e siècle, la France étendit elle aussi son emprise économique sur les territoires qu'elle contrôlait en Chine du sud, exploitant des mines de charbon et une voie ferrée, obtenant avec les autres pays impérialistes des tarifs douaniers préférentiels pour les marchandises importées et le droit de ne pas payer d'impôts. Mais cela ne lui suffisait pas, elle visait à coloniser toute la péninsule indochinoise au nord. Elle avait déjà colonisé le sud de l'Indochine et, depuis 1860, elle occupait le Cambodge et le Tonkin, au nord, qui était une dépendance de la Chine. Le traité qui suivit la guerre franco-chinoise de 1884-1885 " légalisa " par la contrainte cette appropriation de territoires.

Une nouvelle révolte, celle des Boxers en 1900, donna lieu à une intervention militaire où un corps expéditionnaire composé de troupes françaises, allemandes, anglaises, italiennes, autrichiennes, russes, américaines et japonaises, sous les ordres du général allemand von Waldersee, occupèrent Pékin et imposèrent au gouvernement chinois une indemnité de plus de 1 600 millions de francs-or.

Les rivalités entre impérialistes, qui les firent s'affronter dans leurs appétits coloniaux et les amenèrent à déclencher un conflit mondial en 1914, les empêchèrent de conquérir toute la Chine. Et à partir de 1937, l'impérialisme japonais prit le relais de ses concurrents occidentaux en envahissant la Chine. Après la Seconde Guerre mondiale et la révolution de 1949 menée par Mao Tse-toung, seul Hong-Kong resta encore aux mains des Britanniques jusqu'à la fin du 20e siècle.

Alors, les liens entre l'impérialisme français et la Chine ont bien une longue histoire. Mais la soif de profits et de domination n'y a laissé aucune place à l'amitié.

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