Bolivie : Un référendum qui ne règle rien15/08/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/08/une2089.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolivie : Un référendum qui ne règle rien

Gouvernement et opposition, tout le monde se dit gagnant au référendum du 10 août en Bolivie. Ce vote, portant sur le maintien ou la révocation du président de la République, Évo Morales, du vice-président et des préfets élus gouvernant les différentes régions du pays, a donné à Morales d'une part, et aux quatre préfets qui sont dans l'opposition d'autre part, une majorité plus forte que celle qui les avait amenés au pouvoir en 2005. Chacun a pu fêter sa victoire et affirmer que l'électorat avait conforté sa politique. Aucun des conflits qui divisent ce pays, le plus pauvre de l'Amérique du Sud, n'a été tranché et les problèmes restent entiers.

Le bras de fer va continuer entre Morales, qui dirige l'État, d'origine indienne, qui se dit anti-impérialiste et partisan de nationalisations d'un côté, et de l'autre les préfets des régions les plus riches représentant les grands propriétaires fonciers, soutenu par les États-Unis, qui revendiquent l'autonomie de leurs régions. Évo Morales s'appuie sur le Mouvement vers le socialisme (MAS) qu'il a fondé.

Car les oppositions politiques entre Morales et ces quatre préfets recouvrent aussi une division géographique et économique : d'un côté les Andes, avec les communautés indiennes, les mines et le siège du gouvernement, La Paz, et de l'autre la plaine amazonienne, avec les gisements de pétrole et de gaz et les grandes cultures de soja. Et chaque zone a ses luttes sociales, menées ici par les mineurs, là par les petits cultivateurs de coca, le prolétariat agricole des grandes exploitations, ou encore les ouvriers du pétrole et du gaz.

Évo Morales, ancien dirigeant syndical des cultivateurs de coca, a été élu à la présidence en décembre 2005. Les années précédentes avaient vu des luttes populaires victorieuses contre les multinationales de l'eau puis du gaz, qui avaient amené la démission successive de deux présidents, en 2003 et en 2005. L'élection de Morales semblait promettre aux couches populaires la réforme agraire, la maîtrise des ressources énergétiques et une vie meilleure. Mais elle offrait en même temps à la bourgeoisie la perspective d'un retour à la paix sociale.

Depuis, les mobilisations n'ont pas cessé. À chaque fois, Morales et son parti le MAS ont tenté de s'y opposer, mais ont fini par gauchir leur langage et ont cédé, à leur manière, aux revendications populaires. Ainsi les hydrocarbures ont bien été nationalisés, mais en négociant et sans exproprier les multinationales pétrolières ; et aussi en s'appuyant sur l'armée plutôt que sur les ouvriers du pétrole et du gaz. Morales parle actuellement d'une réforme agraire. Mais quelle forme va-t-elle prendre, quelles terres vont être distribuées et à quelle partie de la paysannerie ? Cela dépendra bien plus des rapports de force entre les classes sociales que des discussions constitutionnelles. Au vu des trois années écoulées, il semble peu probable que Morales et son équipe fassent appel à la mobilisation autonome des couches populaires. S'en prendre de front aux intérêts de l'oligarchie bolivienne et de l'impérialisme qui cherchent à déstabiliser son régime ne fait pas partie de son programme.

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