Renault fait des bénéfices et supprime des emplois30/07/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/08/une2087.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault fait des bénéfices et supprime des emplois

Jeudi 24 juillet, le PDG Carlos Ghosn a annoncé à une réunion de cadres les résultats financiers du premier semestre 2008. Il a précisé qu'il le faisait avant les analystes financiers et la presse. Cette réunion était retransmise le matin en direct sur les ordinateurs des salariés de l'entreprise.

Selon Ghosn, la croissance est en dessous de ce qui était prévu. Les hausses des prix des matières et du prix de l'énergie auraient pénalisé Renault. Le résultat financier net pour le premier semestre 2008 n'en est pas moins de 1,467 milliard d'euros, soit une hausse de 36,7 % par rapport au premier semestre 2007. Le PDG a annoncé qu'il voulait que Renault soit le constructeur automobile le plus compétitif et le plus rentable, quel que soit l'environnement économique. Et de conclure : « Pour que Renault traverse la tempête, il faut réajuster les coûts ».

Des nouveaux projets véhicules sont donc arrêtés. Une ligne de montage sera supprimée à l'usine de Sandouville, qui correspond à la suppression de postes de 1 000 travailleurs. Ghosn a annoncé une diminution de 10 % des frais de structure en Europe. Il s'est voulu rassurant en disant que ce serait un plan de départs volontaires, mais cela équivaut à environ 5 000 suppressions d'emplois. Toutes les embauches sont arrêtées. Et Ghosn a continué en évoquant la suppression d'une ligne de montage à l'usine de Flins, si « la conjoncture était défavorable ». Il a répété plusieurs fois qu'il « comptait sur les salariés pour continuer à se surpasser (...) pour traverser la tempête et en sortir renforcés ».

Mais pour l'instant, ce sont surtout les salariés qui font les frais de cette politique. En deux ans, les effectifs des usines de Cléon et de Sandouville ont diminué de 3 000 travailleurs. Cette diminution des effectifs est continue depuis des années dans toutes les usines et les bureaux. Les départs en retraite n'ont pas été remplacés. Les cadences en usine ont augmenté. Les accidents du travail ont augmenté. Il y a eu des suicides au travail. Le recours à la sous-traitance, aux intérimaires et aux prestataires est de plus en plus développé. Par exemple, ceux-ci représentent 25 % de l'effectif du Technocentre de Guyancourt dans les Yvelines. Le temps de développement des véhicules a été divisé par deux. Selon cette direction, une économie de 150 millions d'euros en moyenne sur chaque nouveau modèle a été faite. La flexibilité du temps de travail a été imposée dans toutes les usines et, récemment à Flins, les travailleurs ont exprimé leur refus de voir leurs conditions de vie et de travail s'aggraver encore.

Depuis des semaines, le PDG, à travers les médias, a distillé des informations alarmistes pour créer un climat d'inquiétude, en se gardant bien de parler de la bonne santé financière de Renault. Mercredi 23 juillet, la direction du Technocentre annonçait l'arrêt des contrats de plus de mille prestataires pour fin 2008. Cela a beaucoup choqué les salariés de Renault qui travaillent depuis des années avec eux.

Il y a un an, le PDG était venu à Sandouville et avait dit aux travailleurs : « Avec l'accord de flexibilité vous assurez l'avenir de Sandouville ». Quelques travailleurs de l'usine étaient amers, faisant remarquer qu'ils avaient accepté la flexibilité, des samedis travaillés, des heures supplémentaires suivies de jours de chômage où ils avaient perdu beaucoup sur leur salaire. Ce chantage de Renault passe mal. Des travailleurs n'ont pas oublié que les bénéfices cumulés depuis des années par Renault représentent plusieurs milliards d'euros. Renault a suffisamment d'argent pour prendre des actions, passer des accords avec d'autres constructeurs en Russie, en Inde, en Roumanie, construire une usine à Tanger, pour profiter des fonds publics et des bas salaires des pays pauvres.

En fait, le PDG s'est adressé aux actionnaires, des actionnaires qui réclament de toucher toujours plus d'argent. Il a dit qu'il ne pouvait pas prévoir la situation économique fin 2008 et, en 2009 et qu'il fallait anticiper. Mais il parlait surtout d'anticiper les résultats financiers pour rassurer les actionnaires.

Ghosn peut toujours parler de « traverser la tempête ». Les salariés ne seront peut-être pas prêts à se laisser jeter par-dessus bord, pendant que les actionnaires restent au sec à profiter de leur travail. Renault a des milliards qui doivent servir à garantir l'avenir des travailleurs.

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