Réforme constitutionnelle : Ce jour-là, leur cirque est passé par Versailles23/07/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/07/une2086.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Réforme constitutionnelle : Ce jour-là, leur cirque est passé par Versailles

Sarkozy a donc réussi à faire adopter les modifications constitutionnelles qu'il proposait, à une voix près. Il n'y a pas de quoi pavoiser ! Ce qui n'empêche pas les ministres et les porte-parole de la droite de se féliciter, d'autant plus bruyamment qu'ils ont réussi à semer un peu plus la zizanie parmi les ténors du Parti Socialiste. Il est vrai que ce n'est pas difficile.

Le vote de l'Assemblée et du Sénat réunis en Congrès a beau avoir eu lieu à Versailles, entouré de solennité, l'écrasante majorité de la population a toutes les raisons de se désintéresser de ces réformes institutionnelles qui ne préoccupent que les états-majors politiques.

L'UMP, le parti de Sarkozy, et ses acolytes ont certes la majorité aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat, mais une modification de la Constitution ne peut être décidée qu'à une majorité des trois cinquièmes des députés et des sénateurs. Une majorité que le gouvernement n'était pas certain d'atteindre. Le Parti Socialiste annonçait qu'il n'était pas question pour lui de faire ce cadeau à Sarkozy, trouvant ainsi un terrain sur lequel ses dirigeants pouvaient se montrer radicaux sans que cela les engage sur le terrain social. De leur côté, plusieurs députés de droite renâclaient devant les modifications proposées.

Depuis plusieurs semaines donc, ça y allait pour les manoeuvres et les marchandages. Des petits cadeaux pour allécher ceux de l'opposition que l'on voulait attirer vers un vote favorable à Sarkozy. Des pressions et des menaces en direction de ceux qui, dans la majorité, avaient des états d'âme. Sarkozy et Fillon auront ainsi réussi à faire basculer de leur côté les radicaux dits de gauche et l'inénarrable Jack Lang, et à faire changer d'avis quelques députés UMP qui n'ont crié à la trahison des idées gaullistes que le temps que le gouvernement les menace d'avoir des ennuis dans leur circonscription. Résultat de ces manoeuvres : Sarkozy fait passer sa réforme, mais à une voix près !

Les modifications constitutionnelles ne changent rien à rien, même sur le seul terrain du fonctionnement institutionnel. Le pouvoir continue à être monopolisé par l'exécutif, c'est-à-dire en fait par le président de la République. Le principal changement, c'est que ce dernier aura désormais le droit d'intervenir devant tous les députés et sénateurs réunis en Congrès, ce que la Constitution lui refusait jusqu'à présent. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! Le Parlement se voit reconnaître quelques droits supplémentaires mais, comme la majorité est à la botte de Sarkozy, celui-ci n'en sera pas gêné.

Pour le reste, le Parlement continue à n'être qu'une chambre d'enregistrement. Il n'est pas question d'un scrutin à la proportionnelle, pour qu'au moins l'Assemblée reflète la variété des opinions de l'électorat. Il n'est pas question non plus de supprimer le Sénat, cette assemblée élue par les seuls notables, où la droite est tout le temps majoritaire, et conçue pour contrebalancer une Assemblée menant une politique de gauche (ce qui n'arrive plus guère depuis bien longtemps).

« Rien n'aura changé pour le Sénat, rien pour la domination de la majorité à l'Assemblée », critiquait François Hollande, en oubliant d'ajouter que le PS n'y avait rien changé non plus au temps où il était au pouvoir.

Et, bien sûr, le Congrès, solennellement réuni à Versailles, n'a évoqué aucune des questions qui préoccupent infiniment plus la population que la question de savoir si le président de la République a le droit de s'adresser au Parlement ou pas.

Il n'était pas question d'évoquer les hausses de prix et l'écroulement du pouvoir d'achat des salariés. Pas question d'évoquer l'aggravation de la pauvreté. Près de huit millions de personnes se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté, alors même que la majorité d'entre elles travaillent, mais pour un salaire misérable ! Pas question de parler des licenciements collectifs, de la gravité du chômage, de la généralisation de la précarité, pas plus que d'évoquer les services publics qui sont privatisés les uns après les autres et qui se détériorent.

Le cirque à peine fini à Versailles, Sénat et Assemblée ont, chacun à leur tour, voté le projet de loi qui enterre définitivement la loi des 35 heures, plus exactement les quelques aspects de cette loi qui étaient favorables aux salariés.

Le temps de travail peut désormais être déterminé au niveau des entreprises, laissant ainsi les mains libres aux patrons pour faire travailler leurs salariés pratiquement quand et comme ils veulent, dans nombre de cas sans même avoir à payer les heures supplémentaires.

Après le cirque de Versailles, les parlementaires sont priés de revenir aux « choses sérieuses » : voter, les unes après les autres, les lois antiouvrières qu'exigent les patrons. Pendant que les marionnettes politiques s'agitent et font semblant de s'occuper du destin du pays, le grand patronat impose les mesures qui lui conviennent pour s'enrichir en appauvrissant les classes populaires. Jusqu'à ce que la colère éclate et que leur mascarade pompeuse apparaisse pour ce qu'elle est : totalement insignifiante !

Édito du 24 juillet 2008

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