L'union des peuples ne se fera pas avec ceux qui dirigent, mais contre eux17/07/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/07/une2085.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L'union des peuples ne se fera pas avec ceux qui dirigent, mais contre eux

Ils étaient quarante-quatre, les chefs d'État qui ont participé au grand cirque organisé par Sarkozy pour lancer l'« Union pour la Méditerranée ». Il y avait de tout dans le lot : des présidents plus ou moins démocratiquement élus, un prince et quelques dictateurs, bourreaux de leurs peuples. Ils ont eu droit à une conférence solennelle au Grand Palais, au défilé sur les Champs-Élysées et au dîner de gala !

Et les porte-voix du gouvernement de chanter des odes à ce « succès diplomatique historique », rejoints même par quelques-uns des dirigeants de la gauche. Et tous de saouler l'opinion publique de phrases dégoulinantes de bons sentiments sur l'importance d'avoir rassemblé « les pays des deux rives de la Méditerranée », avec des coups de chapeau à Sarkozy pour avoir réussi cela.

Unir les peuples qui vivent autour de la Méditerranée ? Mais depuis des temps immémoriaux, les destins des peuples qui vivent autour de cette mer intérieure sont intimement liés. Des navigateurs phéniciens, grecs, normands, vénitiens, ont tracé au fil des siècles des voies maritimes entre les ports. Des puissances terrestres, romaine, arabe, turque, ont tour à tour unifié, totalement ou partiellement, le pourtour de la Méditerranée. Une histoire commune faite de guerres mais aussi de commerces, de contacts multiformes car cette mer, si facile à naviguer, a toujours été un véritable boulevard où circulaient hommes et marchandises.

Triste ironie de l'histoire, c'est précisément à notre époque moderne, alors que la science et les techniques ont pour ainsi dire supprimé les distances, que la Méditerranée a été transformée de lien en obstacle de plus en plus difficile à franchir. Cela n'a rien à voir avec les données géographiques. Cela résulte des politiques réactionnaires menées par les dirigeants des 27 pays qui composent l'Union européenne.

Car aussi difficile que soit la situation des masses laborieuses des pays d'Europe, frappées par le chômage, les hausses de prix et le blocage des salaires, elle passe pour enviable aux yeux des peuples des pays pauvres d'Afrique ou d'Asie. Pour les empêcher de venir, tous les gouvernements d'Europe ont durci leur législation.

Ces gouvernements qui se prétendent civilisés ont complété l'arsenal des lois répressives par des barbelés bien matériels, des navires garde-côtes, transformant l'Union européenne en forteresse et la Méditerranée en une douve chargée de la protéger. Il n'y a pas de libre circulation entre les deux rives de la Méditerranée. Même le regroupement des familles séparées devient quasiment impossible.

L'ambition des chefs d'État réunis à Paris, si tant est qu'il y en ait une derrière le cirque médiatique, n'est certes pas de faciliter la libre circulation et l'établissement des hommes. Elle est de faciliter la circulation des capitaux et la mainmise des riches pays d'Europe sur les pays pauvres de la Méditerranée.

Le véritable symbole de l'état actuel des relations entre l'Europe et les pays riverains de la Méditerranée au sud et à l'est n'est certainement pas le rassemblement de chefs d'État festoyant ensemble à Paris. Le véritable symbole, c'est le mur hérissé de barbelés qui sépare les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla du reste du Maroc, que tentent désespérément de franchir chaque jour de nouveaux contingents fuyant la misère. Le véritable symbole, ce sont ces barques qui échouent sur les plages des îles espagnoles ou italiennes, avec des hommes, des femmes, des enfants mourant de faim et de soif.

Alors, on ne peut qu'être écoeuré par le cirque médiatique de Paris, signe d'un présent barbare. L'avenir, c'est l'union de tous les peuples d'Europe et de Méditerranée, du nord comme du sud, sans chasse aux sans-papiers, sans interpellations au faciès, sans barrières, sans frontières.

Cet avenir ne sera pas l'oeuvre des dignitaires rassemblés par Sarkozy. Mais le capitalisme a forgé une autre union euro-méditerranéenne mélangeant dans les grandes entreprises, sur les chaînes de production, sur les chantiers, des travailleurs originaires d'Europe, du Maghreb, de Turquie ou d'ailleurs. Ce sont eux qui feront l'union fraternelle des peuples en détruisant ensemble un système économique qui, non seulement exploite et opprime, mais sépare les peuples et les dresse les uns contre les autres.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 15 juillet.

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