Communistes et internationalistes : Extraits de l'allocution d'Arlette Laguiller du lundi 12 mai14/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2076.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Communistes et internationalistes : Extraits de l'allocution d'Arlette Laguiller du lundi 12 mai

Notre fête est celle de Lutte Ouvrière, mais aussi celle de nos camarades de Combat Ouvrier en Guadeloupe et en Martinique, celle de nos camarades du groupe américain The Spark, celle de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes, de l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires d'Haïti, celle du groupe qui, en Turquie, s'exprime dans la publication Sinif Mücadelesi et de celui qui s'exprime, en Italie, dans L'Internazionale. Notre fête, c'est aussi celle de tous les camarades qui se revendiquent de l'Union Communiste Internationaliste en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne, en Espagne et à l'île de La Réunion.

Je salue aussi les représentants d'autres groupes qui ne partagent pas nécessairement toutes les idées de l'UCI mais qui, cependant, partagent avec nous la perspective d'une transformation radicale de la société.

Nous avons tous en commun l'objectif de construire dans nos pays respectifs des partis révolutionnaires communistes qui puissent devenir des instruments de combat pour la classe ouvrière et, lorsque des crises importantes en donneront la possibilité, les instruments de son émancipation.

La perspective de construire un parti qui représente les intérêts politiques de la classe ouvrière ici, en France, se confond avec la perspective de construire une organisation internationale avec les mêmes objectifs. En cela, nous nous réclamons de cette tradition qui s'est incarnée pour la première fois dans la Première Internationale de Marx et Engels.

Être communiste, c'est être internationaliste

Être communiste, c'est être internationaliste. Pour cette génération de révolutionnaires dont Marx faisait partie, il était inconcevable même seulement d'imaginer que l'on puisse mettre fin au système capitaliste, transformer radicalement la société et construire une société débarrassée de l'exploitation et de la loi du profit, dans le cadre d'un seul pays.

Depuis toujours, deux expressions résument le programme des communistes : " L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes " et " Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ".

Il ne peut en être autrement. Le capitalisme lui-même a émergé dès le début comme un système d'exploitation et d'oppression à l'échelle du monde. C'est le développement du capitalisme qui a unifié l'économie et, par là même, les destins des différents peuples de la planète.

Contrairement aux stupidités nationalistes, les peuples se mélangent depuis des temps immémoriaux. Mais le capitalisme a donné à cela une ampleur sans précédent. C'est le développement de la production capitaliste qui, par la déportation ou par la migration forcée, a déplacé des populations et les a mélangées à d'autres. Tout le rappelle, jusqu'à la dernière lubie de Sarkozy qui, comme vous le savez, propose que désormais l'histoire de l'esclavage soit enseignée aux enfants. C'est dérisoire. Cela fait déjà partie du programme des écoles primaires. Les enseignants n'ont pas attendu Sarkozy pour en parler, mais leur problème est de savoir comment le faire bien, alors que l'Éducation nationale se prépare à supprimer deux heures d'histoire et réduit le nombre d'enseignants ! Et voilà qu'il prétend apprendre aux élèves à regarder la traite des Noirs, et je le cite, " de façon lucide et apaisée " !

Eh bien, s'il y a une façon lucide de regarder ce passé, elle ne peut certainement pas être apaisée. Car ce passé rappelle que le capitalisme s'est développé grâce à l'esclavage, au pillage, aux guerres. Qu'il s'est développé dans le sang et la souffrance, pas seulement des esclaves dans les plantations de canne à sucre aux Antilles ou à Haïti, mais aussi dans la souffrance des prolétaires des filatures de Manchester ou de Roubaix. Dans la souffrance de ceux qui, commençant à travailler douze ou quinze heures par jour à six ans, mouraient d'usure et de vieillesse à 25 ans, entassés dans les taudis des villes industrielles.

Mais justement, dès cette époque, les destins des peuples d'Europe, d'Afrique et d'Amérique étaient liés. Leurs classes populaires avaient en commun, déjà à l'époque, d'être sacrifiées sur l'autel de l'accumulation du capital, c'est-à-dire pour permettre à la bourgeoisie de s'enrichir.

Mais c'est l'internationalisation de la division du travail, l'intégration de toutes les économies du monde dans une seule économie mondiale, qui a permis au capitalisme de développer la production à un niveau sans précédent dans l'histoire humaine. C'est cela qui permettra au prolétariat, lorsqu'il aura renversé le capitalisme, de créer une société débarrassée de l'exploitation, du marché, de la propriété privée, de la course au profit et, par là même, des crises économiques et des guerres.

Ces idées-là ont été chassées du mouvement ouvrier avec l'évolution des partis socialistes vers le réformisme, puis des partis communistes vers le stalinisme. Et l'alignement d'abord du Parti Socialiste derrière sa bourgeoisie nationale lors de la Première Guerre mondiale, puis le cours nationaliste pris par les partis communistes à partir des années 1930, ont été la plus sûre indication de leur dégénérescence et de leur transformation de partis des ouvriers en partis au service de la bourgeoisie.

Eh bien, aujourd'hui, le tissu des relations entre différents pays est infiniment plus fort qu'au temps de Marx. C'est une évolution irréversible et revenir en arrière même partiellement sur cette mondialisation ne pourrait se faire qu'au prix d'une régression effroyable. Et c'est bien le signe du recul des idées communistes révolutionnaires que des courants qui prétendent s'opposer à la mondialisation puissent se considérer comme des gens de progrès.

C'est le capitalisme qu'il faut combattre

Ce que le prolétariat a à combattre, ce n'est certainement pas la mondialisation, mais c'est le capitalisme et tout ce qui en dérive, l'impérialisme, c'est-à-dire la domination économique et politique de quelques pays capitalistes développés sur le reste du monde.

Ce dont souffre aujourd'hui la société, ce n'est pas de la mondialisation, mais de la dictature d'un nombre restreint de groupes industriels et financiers, en concurrence les uns avec les autres. Ce dont elle souffre, c'est que toute l'activité économique, toutes les immenses possibilités scientifiques, technologiques et productives de la société, soient subordonnées à la recherche du profit par une petite minorité qui contrôle les richesses du monde et les moyens de les produire.

Ce n'est pas la mondialisation mais le capitalisme qui fait que quelques centaines de spéculateurs déplacent leurs capitaux des crédits hypothécaires américains vers le blé, le maïs, le riz ou le soja, et aient aussi le pouvoir de pousser des millions d'être humains de la malnutrition vers la famine.

Ce n'est pas la mondialisation mais le capitalisme, l'économie de marché, qui a poussé les pays pauvres à abandonner les cultures vivrières au profit de productions pour le marché mondial, ce qui rend par là même leur nourriture quotidienne dépendante des fluctuations du marché et, on le voit aujourd'hui, des fluctuations de la Bourse et de la spéculation.

Ce n'est pas la mondialisation mais le capitalisme, les lois du marché, qui font que les animaux d'élevage ou les animaux de compagnie des pays riches sont mieux nourris que les êtres humains de la moitié pauvre de la planète. Et cela, tout simplement parce que leurs propriétaires disposent pour leurs animaux d'un pouvoir d'achat supérieur à celui d'une partie des classes populaires d'Afrique, d'Haïti ou d'Asie.

Ce n'est pas la mondialisation mais la course au profit de l'économie capitaliste qui pousse à la fermeture des usines, aux licenciements, à ce dramatique gâchis humain qu'est le chômage. Quand ce n'est pas ce gaspillage formidable qui fait que des milliards partent dans la fumée de la spéculation, alors même que ces milliards sont arrachés aux travailleurs centime par centime par l'intensification incessante du rythme de travail et par la réduction de leur pouvoir d'achat.

C'est cette situation que protègent les armées de toutes les puissances impérialistes du monde. C'est pour protéger les prérogatives particulières de ce système que notre impérialisme à nous, l'impérialisme français, maintient en permanence des troupes dans plusieurs pays de son ancien empire colonial. C'est pour cela qu'elles sont intervenues et qu'elles interviennent encore au Tchad, en Centrafrique et en Côte-d'Ivoire.

Mais, en intervenant dans les pays opprimés, les armées des puissances impérialistes aggravent encore la situation. Il n'y a que les dirigeants de l'impérialisme américain ou anglais pour oser affirmer encore aujourd'hui que leur intervention en Irak a été utile à la population de ce pays.

Il n'y a qu'eux, auxquels il faut ajouter cette fois-ci les dirigeants de l'impérialisme français, qui osent dire que leur intervention a amélioré le sort de l'ensemble de la population d'Afghanistan, alors que la misère est toujours là et que les seigneurs de guerre continuent à dominer le pays.

Et puis bien d'autres pays, et pas seulement la Palestine et le Liban, paient le prix des manoeuvres passées et présentes des grandes puissances impérialistes. Ces puissances qui, pour maintenir leur domination, dressent les peuples les uns contre les autres ou les divisent et les opposent en fonction des nationalités, des confessions religieuses ou des ethnies.

Plus pyromanes que pompiers pour préserver leur pillage

Et même lorsque les grandes puissances font mine de jouer les pompiers, elles sont plus pyromanes que pompiers, car c'est le pillage de leurs trusts, les manoeuvres politiques et les interventions militaires pour le préserver qui allument sans cesse de nouveaux incendies sur la planète.

En Palestine, l'incendie n'a jamais cessé. Mais comment le pourrait-il alors que tout un peuple est enfermé derrière les barbelés ? Au cours des derniers mois, le sort de la population de Gaza, en particulier, est devenu pire que jamais, privée d'électricité, de nourriture, affamée, mitraillée, bombardée.

La politique impérialiste a enfermé un des peuples de la région, les Palestiniens, dans un camp de concentration et transformé un autre, les Israéliens, en geôlier. Mais l'incendie allumé par les manoeuvres impérialistes du passé couve aussi sous les cendres dans le Liban voisin, se rallumant périodiquement.

Et combien d'autres incendies qui couvent et qui s'enflamment en Afrique ? De la Somalie au Congo ex-Zaïre, en passant par le Soudan, combien de conflits, combien d'affrontements des bandes armées qui aggravent encore l'immense pauvreté des populations ?

Alors, notre combat, c'est contre tout cela. Et tout cela, les guerres, l'oppression, la montée des idées réactionnaires, sans oublier l'empoisonnement progressif de la planète par la pollution, est l'expression d'une organisation économique et sociale non seulement incapable de faire progresser l'humanité, mais dont le seul maintien est sans cesse responsable de nouveaux dégâts.

Eh bien, une organisation économique où les progrès scientifiques et techniques eux-mêmes creusent les inégalités, au lieu de les résorber, est condamnée tôt ou tard à disparaître.

Mais il est une autre conséquence de l'impérialisme qui, malgré son caractère dramatique aujourd'hui, renforce les perspectives communistes pour l'avenir.

La recherche du profit pousse les grandes entreprises à chercher de nouveaux marchés dans des pays pauvres, ou à y trouver une main-d'oeuvre moins chère. L'évolution qu'elle impose vide les campagnes au profit des villes. Ces dizaines de millions de paysans chassés de leurs terres en Chine, par exemple, qui s'agglutinent dans les faubourgs des grandes villes à la recherche de travail, sont, aux yeux des capitalistes chinois ou étrangers, de la simple chair à exploiter. Mais ce sont aussi des contingents de nouveaux prolétaires.

En exportant leurs capitaux, les capitalistes exportent aussi la lutte des classes

Renault en a fait récemment l'expérience dans son usine de Dacia, en Roumanie. D'autres trusts la feront en prenant le contrôle d'entreprises ou en construisant de nouvelles usines en Slovaquie, en Slovénie, en Pologne, en Hongrie, et peut-être demain en Chine.

Au-delà de grèves occasionnelles dans ces pays, les capitalistes sont en train d'accumuler la matière explosive qui, demain, détruira leur système.

Mais, pour que les explosions inévitables, pour que les crises sociales que le capitalisme suscite et suscitera inévitablement, se transforment en révolution consciente visant la transformation de la société, il faut des partis dont ce soit la raison d'être.

Nous ne savons pas dans quelles circonstances ces partis surgiront et dans quels pays ils seront les premiers à surgir. Mais nous savons que cela est nécessaire. Et c'est parce que c'est nécessaire que même de petites organisations qui se fixent cela comme objectif sont un espoir et un gage pour l'avenir.

La société bourgeoise porte en elle la concurrence, la rivalité, la lutte permanente. La bourgeoisie et ses hommes politiques cherchent en permanence à introduire ce comportement dans la classe ouvrière. Le mouvement communiste révolutionnaire s'est toujours dressé contre cet effort permanent de la bourgeoisie visant à dresser les travailleurs d'un pays contre les travailleurs d'un autre pays.

Une des pires formes de cette opposition introduite parmi les travailleurs est celle qui vise à dresser les travailleurs d'un même pays les uns contre les autres. Ici même, en France, la classe ouvrière est constituée de femmes et d'hommes d'une multitude d'origines. Des dizaines de nationalités sont représentées dans les grandes entreprises de production comme sur les grands chantiers. Leur unité autour de leurs intérêts de classe est indispensable, même simplement pour se défendre et, à plus forte raison, pour peser sur la vie politique de ce pays.

C'est bien pourquoi, s'il faut que les travailleurs de nationalité française soient solidaires de leurs camarades immigrés quand ils revendiquent des droits démocratiques élémentaires, comme le droit de vote dans toutes les élections pour ceux qui sont en situation régulière et la régularisation pour les sans-papiers, il faut surtout se retrouver ensemble dans les combats de la lutte de classe. C'est dans les luttes, et surtout les luttes de grande ampleur, que la classe ouvrière forgera son unité par-delà l'origine et la nationalité de ses membres.

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