Birmanie _ La catastrophe est naturelle, la misère et la dictature ne le sont pas !08/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2075.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Birmanie _ La catastrophe est naturelle, la misère et la dictature ne le sont pas !

Le cyclone qui a ravagé le sud de la Birmanie le 3 mai a provoqué, pour l'instant, selon les chiffres de la télévision d'État birmane, plus de 22 000 morts et 41 000 disparus. Les cinq régions du sud-ouest du pays touchées par le passage du typhon concentrent à elles seules près de la moitié de ses 53 millions d'habitants.

L'énorme tourbillon, formé dans la baie du Bengale, zone cyclonique, a tournoyé pendant douze heures sur le delta d'Irrawady, une des régions les plus meurtries, où la population est très dense. Des centaines de milliers de familles de pêcheurs y vivent le long des côtes, sur leurs canots ou dans des habitations de bambous tressés d'herbes sèches, parfois construites sur pilotis. Un peu plus à l'intérieur des terres, les frêles cabanes des paysans pauvres n'ont pas plus résisté aux rafales de vent soufflant jusqu'à 190 et même 240 kilomètres-heure, aux vagues de plus de sept mètres, pas plus que les basses terres et les rizières aux cinquante centimètres de précipitations tombés en quelques heures et aux inondations. Un raz-de-marée de quatre mètres aurait englouti de nombreux habitants. Dans la seule ville de Bogalay, 95 % des habitations ont été détruites par les vagues et les déferlantes, et le gouvernement estime le nombre de morts à 10 000 au moins.

Dans l'ancienne capitale, Rangoun, qui compte entre cinq et six millions d'habitants, les dégâts ont surtout touché les bidonvilles. On signale dans la ville quelques escouades de militaires qui dégagent les arbres arrachés encombrant les carrefours, mais c'est la population elle-même qui, équipée d'outils de fortune, tente de dégager les rues, pour assurer un approvisionnement minimum en vivres et en eau. Quant aux milliers de militaires qui, en septembre dernier, réprimaient sauvagement les manifestations dirigées contre la junte et les bas salaires, y compris les cortèges de moines bouddhistes, les opposants politiques comme la population peuvent se demander où ils sont. Pourtant, tout est à remettre d'urgence en état, les canalisations, les routes, les réseaux électriques, les réseaux de communication...

Les pouvoirs publics, par l'intermédiaire de la radio officielle, se bornent à émettre une liste de conseils sanitaires bien difficiles à respecter dans le chaos qui règne dans le sud-ouest du pays. Ne boire que de l'eau bouillie, manger des fruits frais, utiliser des toilettes propres, jeter systématiquement les ordures ou se protéger des moustiques et des serpents ! Comment les centaines de milliers de réfugiés pourraient-ils s'y conformer alors qu'ils sont totalement démunis, privés d'abri dans des villages isolés par les eaux, ou quand les ordures s'amoncellent dans Rangoun ?

Alors que les produits de première nécessité, comme le riz, ont vu leur prix multiplié par trois, le gouvernement des militaires continue à vouloir organiser dans la plupart des localités le référendum prévu le 10 mai, afin de faire entériner une nouvelle Constitution censée apporter à la dictature au pouvoir depuis 42 ans une apparence de légitimité. C'est d'ailleurs l'organisation de ce référendum qui monopolisait informations et journaux tandis que le cyclone approchait : la population n'aurait donc pas été alertée suffisamment tôt, alors que la base de surveillance du secteur géographique, à New Delhi, avait annoncé le phénomène, son trajet et son ampleur probables.

À part dans les centres-ville et les temples, bien peu de constructions, dans ce pays parmi les plus pauvres d'Asie, sont prévues selon les normes de ces zones à risques cycloniques. Et pas plus qu'au Bangladesh, victime en novembre du précédent cyclone du secteur, ou en Indonésie, siège du tsunami de 2004, il n'est prévu quoi que ce soit pour héberger les familles de pêcheurs loin des zones inondables et des glissements de terrain potentiels...

Pourtant, si la population est pauvre, le pays produit entre autres richesses (pétrole, cuivre, or, etc.) 13 milliards de mètres cubes de gaz par an, traités par des multinationales, dont Total, presque totalement exportés, et qui rapportent à eux seuls une rente annuelle de 2 milliards de dollars à la junte. Mais la moitié des revenus de l'État sont de toute façon absorbés par les militaires, bénéficiant de la bienveillante neutralité des capitalistes internationaux qui profitent... totalement du régime de dictature imposé à la population. Les richesses produites ne servent ni à améliorer la vie de la population, ni même à assurer une quelconque prévention des risques.

Viviane LAFONT

Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd

La " première dame " américaine, l'épouse de Bush, s'est indignée contre la junte birmane qui avait tardé à prévenir la population de l'imminence du cyclone et à la protéger de ses conséquences. C'est sûr que ce n'est pas aux États-Unis qu'une chose pareille pourrait se produire. Que l'on se souvienne de la gestion calamiteuse de l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, dans l'un des États les plus puissants du monde, et de la légèreté avec laquelle les autorités avaient fait fi des alertes des spécialistes sur la fragilité des digues...

Mais il n'y a certainement là que des inventions de journalistes !

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