Chypre : La voie difficile de la réunification02/04/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/04/une2070.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chypre : La voie difficile de la réunification

Un accord pour la réunification de Chypre finira-t-il par voir le jour ? En tout cas, le 21 mars, le nouveau président de la République de Chypre, Demetris Christofias, élu fin février, et le président de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) Mehmet Ali Talat, se sont rencontrés près de la frontière entre la partie nord et la partie sud de l'île, dans les locaux du représentant des Nations unies. Peu après, des travaux ont été engagés pour ouvrir un nouveau point de passage entre les deux secteurs, rue Ledra, au centre même de Nicosie, la capitale de l'île coupée en deux depuis 1974.

Il en faudra cependant plus pour mettre fin à cette division qui dure depuis 34 ans. Indépendante depuis 1960 de la couronne britannique, l'île de Chypre, peuplée à l'époque de moins d'un tiers d'habitants de langue turque et de deux tiers de langue grecque, a été le théâtre de nombreux affrontements entre les deux communautés. Le coup d'État militaire de 1967 à Athènes aiguisa encore le nationalisme et la revendication de " l'Enosis ", la réunion de Chypre à la Grèce. Le général Grivas, lié à la junte des colonels grecs, tenta de l'imposer par un coup d'État en juillet 1974. Le coup d'État échoua, amenant en réaction le début d'une guérilla. L'armée turque intervint alors, occupant le nord de l'île sous prétexte de protéger la minorité turque menacée. En fait la Turquie avait l'aval des États-Unis, qui voyaient dans son intervention une garantie contre une éventuelle déstabilisation politique de Chypre.

Depuis cette date, la division s'est installée. Des déplacements de population ont eu lieu, aboutissant à regrouper les Grecs au sud et les Turcs au nord. La " République turque de Chypre du Nord " n'est reconnue que par la Turquie tandis que le gouvernement en place au sud, sous le nom de " République de Chypre ", prétend représenter tous les Chypriotes et est le seul reconnu par l'ONU. Par ailleurs, trois bases militaires britanniques maintiennent leur présence, et la France a, elle aussi, installé récemment une petite base militaire au sud de Chypre.

Entre-temps, depuis 2004, la République de Chypre est devenue membre de l'Union européenne et celle-ci conditionne maintenant l'adhésion de la Turquie à un règlement du problème chypriote. Or, en trente ans, les deux gouvernements séparés ont cristallisé leurs propres intérêts, se sont créé leurs clientèles, ont entretenu les surenchères nationalistes dirigées l'un contre l'autre, et il leur est difficile de revenir en arrière. Une première tentative d'accord, en 2003, a buté sur les surenchères venues du côté grec. Mais les réticences sont au moins aussi fortes du côté turc, les généraux d'Ankara ayant décidé que dans l'affaire de Chypre il n'est pas question que la Turquie recule face à la Grèce.

Le fait nouveau est que, côté grec et côté turc, les deux présidents Christofias et Talat sont les dirigeants des deux morceaux de l'ancien Parti Communiste chypriote, devenus en fait deux partis nationalistes des communautés grecque et turque, et que cela peut faciliter les négociations. Mais si la population de l'île en a certainement plus qu'assez de la division, elle n'est pas la seule à avoir voix au chapitre. Et, au cas où les groupes au pouvoir d'un côté comme de l'autre acceptaient des concessions sur leurs intérêts particuliers, il resterait les puissances régionales, Turquie et Grèce, et au-delà États-Unis, Grande-Bretagne et France, qui toutes tiennent à voir leurs intérêts préservés.

Et puis, si l'Union européenne a fait du règlement de la question chypriote une condition nécessaire à l'adhésion de la Turquie, elle n'en a pas fait une condition suffisante. Mais alors on voit mal la Turquie faire des concessions sur Chypre si elle n'est pas assurée qu'en retour son adhésion sera acceptée par l'Union européenne.

Alors, tant mieux si dans un futur proche les Chypriotes grecs et turcs peuvent de nouveau emprunter la rue Ledra, dont la coupure est un symbole de la division de l'île. Quant à mettre vraiment fin à cette division, cela dépendra de bien des intérêts qui les dépassent largement.

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