Air France veut racheter Alitalia : Les oiseaux de proie du transport aérien27/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2069.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Air France veut racheter Alitalia : Les oiseaux de proie du transport aérien

Le 25 mars, alors que le PDG d'Air France-KLM se rendait à Rome pour tenter de convaincre les syndicats d'Alitalia d'accepter son plan de rachat de la compagnie italienne, Romano Prodi, dont le gouvernement expédie les affaires courantes avant les élections prévues pour les 12 et 13 avril, est venu à la rescousse d'Air France. Il a demandé à ces syndicats de " penser à l'avenir de la compagnie ", en acceptant le projet d'Air France, alors que celui-ci suppose des milliers de suppressions d'emplois.

Les syndicats de la compagnie italienne ont jusqu'à présent rejeté ce projet qui annonce déjà 2 100 postes supprimés à Alitalia même, sans rien dire du sort de ses filiales, dont AZ Servizi, où des milliers d'emplois risquent de disparaître.

Ce plan que le PDG d'Air France qualifie d'" exemplaire ", s'il est exemplaire d'une chose, c'est bien de la façon dont patrons et gouvernants traitent les travailleurs, et pas seulement dans le secteur aérien d'ailleurs.

Vautours...

C'est dans un contexte de guerre commerciale entre les " grands " du transport aérien, où fusions et faillites de compagnies se multiplient, que le conseil d'administration d'Alitalia a accepté les conditions de rachat fixées par Air France. Ces conditions sont d'autant plus draconiennes qu'Air France-KLM, numéro un mondial du secteur, est de fait seul en lice et qu'Alitalia, qui a encore perdu un million d'euros par jour en 2007, n'a pratiquement plus un sou en caisse.

En proposant l'échange d'une de ses actions contre 160 actions Alitalia, Air France mettrait la main sur la compagnie italienne sans débourser d'argent frais. En plus, elle récupérerait cette compagnie au cinquième de sa valeur, puisque l'action Alitalia cotait 0,53 euro à la veille de " l'offre " d'Air France fixant son prix à 10 centimes !

Mais c'est d'abord aux travailleurs qu'on veut faire payer le prix fort de ce que certains décrivent comme les erreurs de gestion de leur direction et de l'État italien, principal actionnaire d'Alitalia.

Car c'est avec le cynisme habituel qui consiste à faire croire qu'elle va " sauver des emplois ", comme aiment à dire les patrons, que la direction d'Air France commencerait par en supprimer, en faisant le chantage au dépôt de bilan pour obtenir l'aval des syndicats, et cela sans s'engager le moins du monde pour la suite. Une habitude pour elle : en 2004, quand Air France avait fait passer sous son aile la compagnie aérienne néerlandaise KLM, elle avait exigé de cette dernière qu'elle procède à 4 000 licenciements avant la fusion !

Comme n'importe quel groupe qui rachète un concurrent, ce que veut Air France ce sont d'abord des parts de marché. Ici il s'agit des dessertes qu'assure Alitalia dans l'Europe du Sud-Est ou vers certains pays d'Afrique et d'Asie, de ses droits de décollage depuis certaines villes, racheter une compagnie étant souvent le seul moyen d'en obtenir, car beaucoup d'aéroports sont saturés.

Il y a aussi l'acquisition d'un " hub " supplémentaire, autrement dit une nouvelle plaque tournante en Europe pour des acheminements de passagers actuellement opérés par Alitalia. Or celle-ci dispose de deux " hubs ", l'un dans le nord, à Milan Malpensa, l'autre à Rome Fiumicino. Et le choix des dirigeants d'Air France de favoriser Rome, l'un des " hubs " les plus au sud du continent, au détriment de Milan, décrit comme non rentable, relève surtout de leur volonté d'étendre leur réseau.

...et politiciens démagogues

Il y a quelques jours, Air France se montrait assuré de l'emporter. Mais la campagne électorale qui se déroule en Italie, et les remaniements à la tête du pays qui pourraient en résulter, ont rendu ce rachat plus problématique.

Certes, Romano Prodi s'affiche favorable à la solution Air France et son ministre de l'Économie, Padoa-Schioppa, a déclaré que les salariés d'Alitalia n'auraient d'autre choix qu'entre " la vente et la faillite ". Peut-être aimeraient-ils solder le sort d'Alitalia au plus vite, pour débarrasser de ce " problème " la majorité qui sortira des urnes, quelle qu'elle soit. L'opposition de droite et son leader Silvio Berlusconi en profitent pour se démarquer. Qualifiant le projet d'Air France d'" arrogant ", Berlusconi a dit qu'il lui opposerait un " non sec " s'il était élu. Il laisse aussi entendre qu'il y aurait une solution " italienne " permettant de remettre Alitalia à flot, sans plus préciser. Et pour cause : une fois passées les élections, il n'y en aura probablement plus trace !

En tout cas les salariés d'Alitalia ne peuvent guère s'y fier. En revanche, ils représentent une force non négligeable et ont déjà mené dans le passé de nombreuses luttes pour refuser de se laisser brader. Et ils ont tout intérêt à savoir qu'Air France, qui va annoncer près de deux milliards d'euros de profits sur un an, a plus que les moyens de reprendre Alitalia sans supprimer aucun emploi.

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