Le droit à mourir dans la dignité21/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2068.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le droit à mourir dans la dignité

Chantal Sébire est atteinte d'une tumeur des sinus et de la cloison nasale qui, outre une terrible déformation du visage, lui a fait perdre la vue, l'ouïe et l'odorat, et qui lui occasionne des douleurs épouvantables. Tous ces maux vont inexorablement empirer car il n'existe aucune solution ni chirurgicale ni médicamenteuse, et donc aucun espoir de guérison ni même de stabilisation.

En toute lucidité, elle a donc demandé à la justice qu'un de ses médecins puisse se procurer et lui administrer " le traitement nécessaire pour lui permettre de terminer sa vie dans le respect et la dignité ", c'est-à-dire le droit de décider de mourir avant que les dégâts de sa maladie et les douleurs qu'elle entraîne n'atteignent leur paroxysme. La réponse a été négative au motif que la loi ne le permet pas.

On se souvient de Vincent Humbert, ce jeune homme totalement paralysé et impotent, alimenté par une perfusion se déversant dans son estomac mais jouissant de sa pleine conscience et qui, en 2002, avait demandé " le droit de mourir ". Ce droit lui avait été refusé. Sa mère et un médecin avaient passé outre et aidé Vincent à mourir. Poursuivis en justice, ils n'avaient pas été condamnés et, en 2005, la loi avait été modifiée, mettant un terme à une certaine hypocrisie, tout le monde sachant bien que dans de nombreux services de réanimation - et c'est une bonne chose - les équipes médicales mettent un terme à l'acharnement thérapeutique en limitant ou en arrêtant les soins.

La loi permet donc aujourd'hui de suspendre les traitements des malades en fin de vie. Elle permet aussi d'administrer des médicaments contre la douleur à des doses dont on sait qu'elles peuvent provoquer le coma et la mort. Mais, si la loi permet de laisser mourir, elle n'autorise pas à aider à mourir et c'est contre cette autre hypocrisie que Chantal Sébire part en guerre. Elle peut entrer dans un service de soins palliatifs où on lui administrera des antalgiques à fortes doses qui la plongeront dans le coma, feront qu'elle ne se nourrira plus et mourra. Mais elle n'a pas le droit de choisir de mourir dignement, avant ces dégradations insupportables pour elle comme pour ses proches.

Bien sûr la promulgation d'une loi autorisant dans certains cas l'euthanasie n'est pas simple et nécessiterait de sérieux garde-fou. Il faut s'assurer du caractère incurable de la maladie et de la demande consciente du malade, mettre en place le maximum de précautions, de contrôle et d'humanité envers les proches. Mais de telles lois existent aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et, que l'on sache, n'entraînent pas d'abus.

Les partisans du maintien de la loi telle qu'elle est parlent beaucoup du " respect de la vie ", et ceci dans une société qui n'a aboli la peine de mort qu'il y a moins de trente ans et où le fait de bombarder des villes, avec tous les " dommages collatéraux " que cela comporte, est considéré comme licite. Mais ils se refusent à donner à des adultes conscients, atteints de maladies incurables, le moyen de ne pas subir le lot de souffrances physiques, de douleurs morales, de déchéance qui les accompagne trop souvent.

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