Élections municipales : Le deuxième tour accentue le désaveu21/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2068.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Élections municipales : Le deuxième tour accentue le désaveu

La poussée électorale vers la gauche qui s'est amplifiée au second tour de ces municipales se juge sur la base d'un fort taux d'abstention, 38 %, le plus élevé pour des élections municipales depuis la guerre.

Et s'il était déjà difficile de mesurer exactement le rapport de force électoral entre les partis au premier tour des municipales, en raison du caractère composite des listes, cela l'est encore plus au deuxième tour, même entre la droite et la gauche.

Pour limité que soit l'électorat du MoDem, par exemple, le jeu du parti centriste, qui s'est rallié tantôt aux listes de droite, tantôt aux listes de gauche, ne simplifie pas la comparaison gauche-droite, sans parler du fait que l'électorat centriste n'a pas nécessairement suivi les consignes des états-majors.

La droite massivement désavouée

Cela dit, le deuxième tour a confirmé, et au-delà, les résultats du premier tour. La droite au pouvoir a été massivement désavouée.

Les élections cantonales, qui ont eu lieu au même moment, certes dans une moitié seulement des cantons, témoignent d'un mouvement dans le même sens.

Et, fait plus important encore pour les états-majors des partis, la municipalité d'un grand nombre de villes a basculé de droite à gauche. Fillon et compagnie ont beau parler de rééquilibrage des forces, histoire de rappeler qu'aux élections municipales de 2001, quand la gauche était au pouvoir, celle-ci avait enregistré un recul important avec la perte de mairies clés. Cette fois, le mouvement dans l'autre sens a fait cependant plus que ramener à la situation d'avant 2001. Non seulement la gauche a récupéré la plupart des mairies perdues alors, mais elle en a pris quelques-unes dirigées de longue date par la droite (la mairie de Toulouse était détenue par la droite depuis 37 ans, et celle de Metz depuis toujours).

En 2001, dans les villes de plus de 15 000 habitants, la gauche détenait 291 mairies, contre 342 à la droite. En 2008, les proportions se sont inversées, et au-delà. Désormais, la gauche compte 350 mairies et la droite, 262 (15 sont détenues par le MoDem).

Le désaveu ne vise pas la seule personne de Sarkozy, en chute dans les sondages. Bien des maires de droite en ont fait la triste expérience, ceux qui ont choisi Fillon, au zénith dans les sondages, pour les soutenir, en évitant poliment Sarkozy, et qui ont été blackboulés quand même. Le désaveu est adressé à toute l'équipe de droite au pouvoir et à sa politique.

Cela fait à peine dix mois que Sarkozy a été investi, mais cela a suffi pour que l'électorat populaire soit dégoûté de sa politique, de ses cadeaux aux plus riches, de ses mesures contre les salariés, les chômeurs, les retraités, les assurés sociaux. Les municipales ont constitué une occasion pour exprimer l'écoeurement des classes populaires. Elles l'ont saisie, en utilisant comme instrument le vote en faveur des listes de gauche.

Comme au premier tour, le résultat vient d'un double mouvement. L'électorat de gauche qui, en 2001, au temps du gouvernement Jospin, s'était démobilisé - ou avait voté extrême gauche - pour marquer sa désapprobation de la politique de droite menée par le gouvernement socialiste, s'est cette fois-ci mobilisé contre le gouvernement de droite.

De plus, une partie de ceux qui, l'an dernier, ont voté pour Sarkozy en sont revenus et ne se sont pas mobilisés, ni au premier ni au deuxième tour. Il est caractéristique que, même dans les villes, comme Strasbourg, Toulouse ou Amiens, où les résultats du premier tour ont montré que le deuxième risquait d'être serré et où la participation s'est accrue d'un tour à l'autre, c'est l'électorat de gauche qui a accentué sa mobilisation, celui de la droite pratiquement pas.

Le PS principal bénéficiaire

Tenant compte de l'ensemble des deux tours, la poussée vers la gauche a profité essentiellement au PS qui, par ailleurs, a réussi dans un certain nombre de cas, notamment dans la banlieue parisienne, à renforcer ses positions au détriment du PC.

Les primaires lancées par le PS dans les municipalités dirigées par le PC étaient déjà l'annonce d'un choix de sa part. Choix accentué au deuxième tour où, notamment dans quatre villes de la Seine-Saint-Denis, La Courneuve, Saint-Denis, Bagnolet et Aubervilliers, le PS s'est maintenu, bien que ses listes soient arrivées derrière celles du PC. Le choix était clairement de miser sur l'apport de l'électorat de droite pour renverser le rapport de force électoral entre le PC et le PS.

Dans trois de ces quatre villes, le PC a remporté la triangulaire qui lui était ainsi imposée et a gardé ses mairies. Mais, à Aubervilliers, la liste PS a réussi, grâce à une partie des voix de droite, à évincer le PC de la mairie.

C'est également en faisant de l'électorat de droite l'arbitre de sa compétition avec la liste de l'apparenté PC Brard qu'à Montreuil Voynet a réussi à prendre la mairie à ce dernier.

Les notables de la droite qui ont perdu leur mairie ont quelque raison d'encaisser les contrecoups du message dont le destinataire était principalement le gouvernement. Mais si la chose en reste à l'expression purement électorale du mécontentement, le gouvernement ne changera pas de politique. Fillon l'a affirmé de façon provocante le soir du deuxième tour. Depuis quelques jours, plusieurs dirigeants de la droite en viennent même à interpréter le message adressé au gouvernement comme l'exigence d'aller plus vite dans les prétendues " réformes " !

Reste à savoir si les travailleurs se contenteront d'exprimer dans les urnes leur écoeurement devant la politique menée ou si l'écoeurement se transformera en colère et se manifestera sur le terrain social. Le revers électoral du gouvernement comme la façon provocante dont il passe outre peuvent être l'étincelle qui provoquera l'explosion sociale. Les matériaux explosifs sont là et ne cessent de s'accumuler jour après jour. Le gouvernement y contribue avec les mesures annoncées contre les retraites, contre les contrats de travail. Le patronat y contribue plus encore en refusant que les salaires suivent la hausse affolante des prix. La crise sociale est inévitable. Elle est, surtout, nécessaire.

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