Villiers-le-Bel (93) : Mise en scène sécuritaire20/02/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2064.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Villiers-le-Bel (93) : Mise en scène sécuritaire

1 000 policiers casqués et armés jusqu'aux dents, une trentaine d'hommes du RAID encagoulés, ratissant des quartiers de banlieue, forçant les portes et pénétrant dans les appartements avant même que le jour se lève : ces scènes semblaient parvenir tout droit d'un pays en guerre. Pourtant, les images provenaient tout bonnement du quartier de la Zac, à Villiers-le-Bel, des cités d'Arnouville-lès-Gonesse et de Sarcelles.

Avec le surarmement des policiers mobilisés, ce qui frappait était aussi le nombre de caméras et de journalistes présents sur les lieux de l'opération. Le maire PS de Villiers-le-Bel, Didier Vaillant, n'était pas encore prévenu que la presse avait déjà été invitée à filmer l'opération, de façon à pouvoir servir toutes chaudes à l'opinion ces images calculées pour impressionner. La ministre de l'Intérieur, qui s'est félicitée du résultat de cette descente très musclée de la police, la qualifiant de " très belle opération ", a fait semblant de regretter que " des fuites aient conduit à une médiatisation importante ". Comme si cette " médiatisation importante " n'avait pas requis bien plus que de simples fuites, dans une période électorale où la droite fait de la sécurité un de ses axes de campagne !

Mais pourquoi un tel déploiement de forces ? Pour arrêter, a-t-on dit, les responsables des événements des 25 et 26 novembre 2007. Ces jours-là, le décès de deux jeunes à moto, entrés en collision avec une voiture de police, avait déclenché des affrontements violents entre les jeunes et les policiers, au cours desquels certains de ceux-ci avaient été blessés et un commissaire de police passé à tabac. Une enquête judiciaire avait été ouverte sur les circonstances de la mort des jeunes ainsi que pour retrouver les auteurs des violences. Un appel à la délation, contre rémunération, avait été lancé par la police judiciaire dans les boîtes aux lettres des quartiers concernés.

L'opération a permis d'arrêter une trentaine de jeunes reconnus, paraît-il, comme ayant participé aux événements de novembre 2007. Selon la ministre Alliot-Marie, cela devrait contribuer à ramener " l'ordre et la paix " dans ces banlieues. Mais rien n'est moins sûr, car ce type d'opération risque plutôt d'y accentuer les tensions.

À Villiers-le-Bel, comme dans bien d'autres villes de banlieue, la situation des familles se dégrade, faute de travail, faute d'un encadrement scolaire suffisant, faute de services publics efficaces et de qualité. La population ne connaît bien souvent de l'État que les interventions policières, des opérations comme ces ratissages qui prennent un beau matin tous les habitants d'un quartier en otages, pour se retirer ensuite, laissant dans le meilleur des cas la situation en l'état, mais bien souvent avec un peu plus d'amertume dans les esprits.

Mais qu'importe ces conséquences, pour le gouvernement ? L'essentiel pour lui est d'avoir fait un " coup ". À la veille des élections municipales, il calcule sans doute que cette mise en scène sécuritaire peut être payante pour les tenants de sa majorité. Et quitte à risquer l'exacerbation des tensions dans les banlieues, pour ensuite pouvoir, lui l'incendiaire, prendre la noble posture du pompier.

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