Liberia - Sierra Leone : Procès du dictateur Charles Taylor - Les commanditaires occidentaux ne sont pas jugés07/02/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2062.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liberia - Sierra Leone : Procès du dictateur Charles Taylor - Les commanditaires occidentaux ne sont pas jugés

Le procès de l'ancien dictateur du Liberia, Charles Taylor, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a repris le 7 janvier à La Haye. Initialement prévu en Afrique de l'Ouest, ce procès a été déplacé en Europe, aux Pays-Bas, à la demande même du Liberia. Ancien président de ce pays, Taylor est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Il est aussi jugé pour le soutien apporté aux rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) qui semèrent la terreur en Sierra Leone, pays voisin du Liberia, pendant la guerre civile de 1991 à 2001.

Charles Taylor est un ancien seigneur de la guerre qui a sévi pendant la guerre civile au Liberia, l'une des guerres les plus longues et les plus sanglantes de l'histoire récente de l'Afrique de l'Ouest. Des centaines de milliers d'hommes et de femmes ont été assassinés, représentant à peu près 8 % des 2,4 millions d'habitants du pays ; et cela sans compter des dizaines de milliers d'autres mutilés et autant de réfugiés dans la forêt ou les pays voisins. Devenu l'homme fort du pays, Taylor s'est fait élire président en truquant le scrutin électoral en 1997.

Dans le procès actuel, Taylor est avant tout jugé pour son implication dans le conflit qui a déchiré la Sierra Leone voisine : il est accusé d'y avoir exporté la guerre civile à partir de mars 1991, en armant les rebelles du Front uni révolutionnaire (RUF) de Foday Sankho, alors en lutte contre le gouvernement sierra-léonais, une lutte sanguinaire marquée, des deux côtés, par les mutilations, l'enrôlement forcé des enfants et le terrorisme contre les populations. L'intervention militaire des forces de l'ONU et des troupes britanniques au début des années 2000 a mis fin à la guerre civile sierra-léonaise, qui a fait de son côté plus de 200 000 morts, et jeté sur les routes des dizaines de milliers de réfugiés.

Aujourd'hui, le Liberia et la Sierra Leone sont des pays ruinés. L'économie y est exsangue, les populations appauvries, mutilées et affamées. Après avoir démissionné et vécu un exil doré au Nigeria, Taylor, présenté comme l'ennemi public numéro un, a finalement été arrêté. Depuis, le procès traîne en longueur, sans cesse repoussé et délocalisé. Foday Sankho, lui, est mort en prison avant d'avoir pu être jugé.

Le procès de La Haye ressemble à une mauvaise farce où l'hypocrisie domine. On veut faire croire que l'on juge un criminel de guerre, sans que figure au banc des accusés un seul de ses commanditaires, ni un seul de ses complices. Charles Taylor plaide non coupable, et sa fortune amassée pendant les années de guerre demeure toujours à l'abri sur des comptes bancaires. Les dirigeants actuels du Liberia ont refusé de geler sa fortune et le Tribunal spécial n'a rien trouvé à y redire. Ce qui en dit long sur les limites de ses compétences !

Charles Taylor est un tortionnaire assassin. Mais ce n'est en fait qu'un exécutant des basses oeuvres des grandes firmes multinationales qui ont pillé le pays sous son règne. En 1997, lorsqu'il a conquis le pouvoir après avoir ensanglanté le Liberia, cela s'est fait sous l'oeil bienveillant du gouvernement américain qui, à l'époque, voyait en lui l'homme fort de la région. Bien plus que les massacres qu'il a commis, c'est son ambition de jouer un rôle politique à l'échelle régionale qui l'a finalement rendu gênant aux yeux de l'impérialisme.

Les grandes multinationales européennes, les grandes compagnies minières cotées en Bourse, à Paris, Londres ou New-York, s'appuyant sur des armées de mercenaires anglais et sud-africains, ont profité du chaos politique, quand elles ne l'ont pas encouragé directement, pour piller les bassins diamantifères de cette région d'Afrique pendant cette période, tout comme les grandes compagnies forestières occidentales ont saccagé la forêt tropicale. D'autres dictateurs locaux, protégés de la France, comme Blaise Compaoré au Burkina Faso, ont fourni des armes en pagaille aux bandes armées de Taylor, entretenant ainsi les foyers de guerre civile et favorisant le trafic d'armes et de diamants.

Le tribunal de La Haye peut juger Taylor : ce n'est en fin de compte qu'un sous-fifre aux mains couvertes de sang, tandis que ses commanditaires, les vrais responsables du pillage économique du Liberia et de la Sierra Leone, les dirigeants des multinationales, ne seront jamais inquiétés.

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