Niger : Quand Areva dit faire le bonheur des peuples30/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2061.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Niger : Quand Areva dit faire le bonheur des peuples

Le groupe nucléaire Areva vient de conclure un accord avec le gouvernement du Niger portant sur l'ouverture d'une nouvelle mine d'uranium et l'augmentation du prix auquel il achète cette matière première. Commentant cet accord dans Le Figaro, le PDG d'Areva Anne Lauvergeon parle " d'accord bénéfique pour les Nigériens ", ajoutant que son groupe s'inscrit " dans une logique de développement durable ".

Développement durable d'Areva, premier groupe nucléaire mondial, et de ses profits, c'est certain. Quant au développement du Niger, c'est une autre affaire. Cela fait des dizaines d'années que la Cogema, puis son héritier Areva exploitent des mines d'uranium dans ce pays. Or, il est et reste l'un des pays les plus pauvres du monde et même le dernier dans le classement par l'indice du développement humain.

Anne Lauvergeon se targue du fait qu'Areva fait des efforts " en termes d'hôpitaux et de santé ". C'est possible, mais un hôpital offert par la multinationale ne soignera jamais autant de Nigériens que l'exploitation de la mine n'en rend malades. Pour obtenir trois kilos d'uranium, il faut extraire une tonne de cailloux, les concasser, les filtrer, les traiter. Les mines d'Areva réduisent donc en poussière, radioactive qui plus est, des millions de tonnes de minerai chaque année. Les déchets sont simplement entassés, à l'air libre, sur des dizaines d'hectares. Rien d'étonnant de ce fait que l'eau soit polluée alentour, que des ferrailles radioactives parsèment une région où la perspective de trouver du travail a attiré des dizaines de milliers de personnes. Quant aux poumons des milliers de travailleurs, actifs ou retraités, ils n'ont fait l'objet d'aucune étude à ce jour.

En juillet dernier, un fût provenant des mines du Niger a été endommagé à son arrivée en France. Il a perdu cinq grammes de son contenu. La totalité du convoi a été décontaminée, les soutes du bateau qui avait transporté les fûts l'ont été également. C'est bien la moindre des choses. Mais au Niger, c'est à l'air libre que le minerai est traité et par camion ouvert qu'il est transporté...

Anne Lauvergeon évoque un " partenariat historique et sincère (entre Areva et le Niger) qui a su résister aux mauvais jours ". Les " mauvais jours ", ce sont ces derniers mois durant lesquels le gouvernement nigérien a essayé d'obtenir une hausse du prix de l'uranium. Après six mois de bras de fer, marqués par l'intervention aussi bien de barbouzes et de bandes armées que du gouvernement français, l'expulsion d'un cadre d'Areva, l'incarcération de deux journalistes français coupables d'avoir noué des contacts avec la rébellion touareg, la firme a fini par conclure en acceptant de payer l'uranium 50 % plus cher qu'auparavant, mais quand même encore au tiers du prix pratiqué sur le marché mondial. Les deux journalistes ont été libérés contre rançon après la signature de l'accord, mais pas leur chauffeur nigérien.

En vertu de l'accord, Areva pourra ouvrir une nouvelle mine, dans les mêmes conditions que les précédentes, et doubler sa production. Et Lauvergeon de conclure, en substance, que devant les perspectives ouvertes par les nouvelles constructions de centrales nucléaires, ce n'est pas cher payé.

On s'en serait douté.

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