Pakistan : L'assassinat de Benazir Bhutto.02/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2057.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pakistan : L'assassinat de Benazir Bhutto.

Le 27 décembre dernier, Benazir Bhutto, dirigeante du Parti Populaire du Pakistan (PPP, lié à la social-démocratie internationale) a été assassinée par un tueur islamiste à Rawalpindi, dans la banlieue de la capitale Islamabad. Après lui avoir tiré dessus, il s'est fait sauter.

Benazir (" l' Unique ") Bhutto avait été Premier ministre de 1988 à 1990 et de 1993 à 1996. Elle fut la première femme élue à la tête d'un pays musulman, mais ses deux mandats se terminèrent par sa destitution pour cause de corruption.

Pour échapper aux poursuites judiciaires, elle s'était exilée, s'installant à Londres en 1998. Etant donné l'effritement de la dictature du général Pervez Musharraf, et le risque qu'il soit submergé par les courants islamistes, les États-Unis avaient opté pour un ticket commun Musharraf-président et Bhutto-Premier ministre.

Pour cela, elle fut amnistiée par Musharraf et put revenir au Pakistan. Le 18 octobre, Benazir Bhutto rentrait au pays, échappant alors à un premier attentat qui fit 136 morts. Dès le départ, il était clair que la solution concoctée à Washington n'en était pas une. Bientôt, le président Musharraf décrétait l'état de siège. Il restait les élections législatives annoncées pour janvier 2008. C'est en campagne pour que son parti les gagne que Benazir Bhutto a été tuée.

La presse, dans sa majorité, a présenté cette mort comme celle de la démocratie que la dirigeante pakistanaise était censée incarner. Mais dans l'exercice du pouvoir, les Bhutto, père et fille, se sont comportés eux aussi comme des dictateurs.

Les Bhutto sont de grands propriétaires terriens dont le fief est la région du Sindh. Le père, Ali Bhutto, un politicien en vue des années cinquante aux années soixante-dix, fut élu président de la République et Premier ministre. Il créa le PPP, lié à l'actuelle Internationale Socialiste. Sous son régime, il y eut quelques nationalisations et une réforme agraire modeste qui ménageait les grands domaines. Les élections étaient souvent truquées et on utilisait les enlèvements, la torture et l'assassinat contre les opposants. Il est aussi à l'origine du programme nucléaire.

Renversé en 1977 par le coup d'État du général Zia, il fut condamné à mort et exécuté en 1979. La mort du général, en 1988, entraîna des élections qui permirent au clan Bhutto de reprendre le pouvoir à travers la fille du leader assassiné. Celle-ci fut formée à Oxford, comme tous les enfants des élites dirigeantes des pays du Commonwealth.

Élue à deux reprises pour une courte période, Benazir Bhutto fut destituée deux fois sur des accusations de corruption. Elle était toujours poursuivie par la justice suisse pour des affaires de blanchiment, du même genre que celles qui empêchent son époux, particulièrement impliqué, de prendre aujourd'hui la tête du clan.

À son second mandat de Premier ministre, elle se révéla prête à tout pour se maintenir au pouvoir. Elle dirigeait le Parti du Peuple, dont cette " démocrate " était présidente à vie, mais pour rester aux affaires, elle était prête à toutes les alliances avec des militaires ou des islamistes.

Officiellement, l'assassinat a été attribué à Al-Qaida, une façon de ne rien expliquer du tout et surtout d'écarter la responsabilité de ceux qui, au Pakistan, pouvaient avoir intérêt à se débarrasser de Benazir Bhutto, que ce soit le régime en place (elle avait déjà désigné dans une conférence de presse plusieurs notables du régime et des services secrets comme responsables de sa mort éventuelle) ou les milieux islamistes, qui ne se distinguent pas toujours les uns des autres.

En tout cas, ce n'est ni une démocrate ni une dirigeante proche des plus déshérités qui disparaît.

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