Le Pakistan, marionnette de Washington.02/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2057.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le Pakistan, marionnette de Washington.

Ramener Benazir Bhutto pour en faire, au poste de Premier ministre, la vitrine du régime dictatorial du président Musharraf est une idée qui a germé à Washington et à Londres. Les États-Unis craignent que le Pakistan finisse par tomber entre les mains des islamistes en croisade contre le grand satan américain. Et comme le Pakistan dispose désormais de l'arme nucléaire, cette perspective inquiète le Pentagone.

Depuis quarante ans, l'État pakistanais est en crise et les longues périodes de dictature militaire ont contribué à détériorer la situation politique. Celle-ci découle de toute la politique menée par l'administration américaine depuis la naissance du Pakistan, dont tous les dirigeants, qu'ils soient civils ou militaires, ont agi avec l'accord de l'administration américaine.

Le programme nucléaire, par exemple, fut lancé par Ali Bhutto et ensuite approfondi pendant la dictature de Zia, qui, jusqu'à sa mort en 1988, reçut le soutien de Washington.

Le Pakistan fut la base arrière des combattants islamistes qui dans les années quatre-vingt s'opposèrent à l'occupation des troupes soviétiques en Afghanistan. Les États-Unis aidaient alors les Ben Laden comme les futurs talibans à construire leurs réseaux. Combattre ce que Reagan appelait " l'empire du mal " (l'URSS) était la priorité absolue. Et aider les islamistes contre l'URSS était considéré comme de bonne guerre.

Dans les années quatre-vingt-dix, la logistique pakistanaise aida les talibans à s'emparer de l'Afghanistan. Tout valait mieux que des laïcs alliés de l'URSS. En contrepartie, les islamistes laissaient en paix le régime pakistanais.

Le 11 Septembre et ses suites ont amené des révisions. Mais la politique menée par l'administration Bush dans le reste du Moyen-Orient, soutien sans faille à Israël contre les Palestiniens, intervention armée et occupation militaire en Irak et en Afghanistan, n'a pu que contribuer à faire grandir l'exaspération des masses populaires, le terreau sur lequel les courants islamistes prospèrent.

Quoi qu'il en soit, Washington a conservé des liens directs avec l'armée pakistanaise. Celle-ci rend compte, chaque mois, aux États-Unis de la situation à la frontière pakistano-afghane. L'administration Bush a demandé, après le récent état de siège, que les élections se tiennent coûte que coûte, alors qu'une partie de la population rejette ces élections, que l'appareil judiciaire est paralysé, de hauts magistrats emprisonnés, que les médias sont censurés et que des dirigeants politiques sont assignés à résidence. En participant à la campagne électorale, Benazir Bhutto poursuivait la politique suggérée par Washington, c'est ce qui lui a coûté la vie.

Avec la mort de Benazir Bhutto, le coup de neuf que les États-Unis espéraient donner à la dictature de Musharraf s'écroule. Le jeune fils de la dirigeante assassinée a accepté de succéder à sa mère mais on n'hérite pas du poids politique aussi facilement que d'une fortune.

En attendant, Washington n'a d'autre choix que de continuer à s'appuyer sur l'armée pakistanaise, un rempart tout relatif car par ailleurs perméable à l'influence islamiste. Les États-Unis seront peut-être tentés d'écarter Musharraf, discrédité, et de le remplacer par un autre chef militaire. Mais y gagneraient-ils ?

Partager