Chute de la passerelle du Queen-Mary 2 : Les patrons non condamnables ?01/11/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/11/une2048.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chute de la passerelle du Queen-Mary 2 : Les patrons non condamnables ?

Le 15 novembre 2003, la chute d'une passerelle d'embarquement à bord du Queen-Mary 2 en construction avait fait seize morts. Après un peu plus de deux semaines d'audiences, le procès qui devait déterminer les responsabilités dans cette catastrophe vient de se terminer. Le verdict devrait être connu fin janvier 2008.

Tout au long de ce procès, les PDG des Chantiers de l'Atlantique (donneur d'ordres) et du sous-traitant Endel (constructeur d'échafaudages) se sont renvoyé la balle en niant leurs responsabilités respectives. Chacun défendait cyniquement " son entreprise ", " ses collaborateurs " devant les familles et amis des victimes, écoeurés, bouleversés par ce spectacle lamentable.

Le réquisitoire du procureur de la République a fait froid dans le dos lorsqu'il a démonté tout le mécanisme de l'organisation du travail des Chantiers de l'Atlantique et d'Endel, dont il a souligné l'importante incidence dans les causes de ce drame.

Pour calculer et concevoir cette passerelle, la direction du sous-traitant Endel avait choisi de confier cette tâche à un salarié doté d'un BTS de comptabilité et presque sans formation spécifique, payé 1 200 euros par mois, en lieu et place d'un ingénieur spécialiste en résistance des matériaux ! Son responsable hiérarchique, justement ingénieur et censé contrôler son travail, n'en a rien fait : il avait d'autres chats à fouetter. Ses compétences étaient réservées... à vérifier les devis et les coûts !

Côté Chantiers de l'Atlantique, c'est encore pire : quand la passerelle a été livrée, aucun responsable capable d'en juger n'était là pour vérifier si tout allait bien et si elle était aux normes. C'est un salarié, avec CAP de fraiseur, qui a réceptionné la passerelle.

Depuis 2000, pour cause de rentabilité, le service interne d'échafaudages a été supprimé et sous-traité. Cependant, il existe un service Sécurité. Mais là également le chef de ce service a laborieusement expliqué qu'il était responsable de la sécurité sans l'être. Au point de faire dire au procureur qu'il avait l'air d'être plus préoccupé des vols de petites cuillères sur le paquebot que de la sécurité des travailleurs et des visiteurs.

Enfin, compte tenu du nombre de visiteurs et de salariés travaillant ce samedi-là à la finition du paquebot, une deuxième passerelle aurait dû être ouverte. Cela n'a pas été fait, pour économiser le salaire d'un gardien !

Le procureur, qui a pour fonction de demander réparation et sanction au nom de l'État, déclare avoir requis les peines maximales : trois ans de prison avec sursis pour les huit salariés mis en examen... et pour les sociétés Endel et Aker Yards 225 000 euros d'amendes, plus 7 500 euros par infraction. Pour les entreprises, c'est une broutille. Mais pour les salariés, c'est une lourde condamnation, même si elle n'est pas ferme. Quant aux patrons des deux sociétés, eux, aucune peine n'est requise à leur encontre.

Ce sont pourtant bien eux qui organisent la production, décident, fixent les règles, la course aux profits et aux délais. L'enchaînement des négligences, des erreurs, des " incompétences " est dû essentiellement au choix des directions pour économiser sur tout ce qui concerne les salariés, pour engraisser les actionnaires. Mais ils sont assurés de s'en sortir indemnes !

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