9 octobre 1967 : L'assassinat de " Che " Guevara03/10/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/10/une2044.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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9 octobre 1967 : L'assassinat de " Che " Guevara

Le 9 octobre 1967, le guérillero Ernesto " Che " Guevara, fait prisonnier la veille par des soldats boliviens accompagnés d'un cadre de la CIA, était abattu dans le dos par un sous-officier dans le village de La Higuera, dans la région où, onze mois auparavant, le " Che " avait entamé une guérilla à partir de laquelle il espérait ouvrir un nouveau front contre l'impérialisme américain. Né en 1928 à Rosario en Argentine, il avait 39 ans.

Quarante ans après, le révolutionnaire mort au combat reste un mythe, symbole de la résistance à l'impérialisme américain, d'abord en Amérique latine, mais aussi dans les milieux altermondialistes ; une icone suffisamment durable pour que les commerçants du monde capitaliste en aient fait un sujet de poster ou de T-shirt.

De la Bolivie à la révolution cubaine...

Né dans une famille de grands propriétaires argentins ruinés, où l'on cultivait des idées libérales, sa jeunesse fut celle d'un anticonformiste curieux et ne tenant pas en place. Étudiant en médecine, il s'intéressait à la littérature et aux civilisations pré-colombiennes. Au cours de ses voyages, il découvrit l'extrême misère des plus déshérités du continent, les paysans d'origine indienne, mais aussi la violence des affrontements sociaux qui découlait du fait que c'était le plus souvent l'armée qui tranchait les débats politiques, avec le soutien, parfois armé, des dirigeants des États-Unis, qui intervenaient sans vergogne sur un continent considéré comme leur arrière-cour.

En 1953, le " Che " était en Bolivie, quelques mois après la révolution de 1952 qui avait nationalisé l'industrie minière. Il y fut plus sensible au racisme du nouveau régime vis-à-vis des indiens qu'au radicalisme des mineurs qui avaient pourtant été le moteur du changement de régime. En 1954, au Guatemala, il assista impuissant au renversement du régime du général Arbenz par des troupes aux ordres de la compagnie américaine United Fruit qui entendait empêcher une réforme agraire pourtant modeste. Jusqu'à sa chute, Arbenz se garda d'armer la population contre les putschistes. Le " Che " expliqua plus tard que c'est là qu'il était devenu partisan de la lutte armée.

En 1956, au Mexique, Guevara se lia aux révolutionnaires qui, autour de Fidel Castro, se préparaient à déclencher une guérilla à Cuba contre la dictature de Battista, homme-lige des États-Unis, qui avait fait de l'île un paradis... pour les riches touristes amateurs de jeux et de prostituées.

C'est au cours de trois années de guérilla dans la Sierra Maestra, qui allait déboucher sur le succès de la révolution cubaine, qu'il vit de près le monde paysan et sa sensibilité au thème de la réforme agraire. Mais il continua aussi à se méfier des militants des villes qui, pour lui comme pour Castro, devaient rester une force d'appoint subordonnée aux guérilleros.

La victoire acquise, le " Che " se retrouva à la tête de l'appareil économique cubain et, s'il participait à toutes les tâches à l'égal des autres, il entendait aussi inciter les ouvriers à en finir avec cette " mentalité de classe ouvrière exploitée et spoliée, qui lutte seulement pour des revendications économiques ". Par la suite, le régime devait se féliciter du succès de la " campagne grandiose pour déraciner le vieux vice d'un économisme étroit chez les travailleurs " qui avait imposé à ceux-ci heures supplémentaires non payées et baisses de salaires.

... et de Cuba à la Bolivie

Mais, en 1965, Guevara reprit la guérilla, au Congo d'abord puis en Bolivie l'année suivante. Pour lui, il fallait " créer un, deux ou trois Viêt-nam ", un " internationalisme " qui était plutôt un inter-nationalisme : faire que dans différentes régions du monde, à l'imitation du combat du peuple vietnamien, se multiplient les foyers de lutte contre l'impérialisme américain.

La lecture de son Journal de Bolivie, où le " Che " a consigné au jour le jour ses impressions et les difficultés rencontrées, révèle l'isolement de sa dernière guérilla. Les rares paysans rencontrés par les guérilleros étaient si effrayés par leur présence que, d'après le " Che ", ils avaient tôt fait de les dénoncer aux forces armées. Guevara y montre aussi que jusqu'au bout, il considéra la classe ouvrière au mieux comme une force d'appoint à la guérilla. Lorsque l'armée bolivienne réprima dans le sang le 24 juin 1967 un mouvement de protestation des mineurs, il écrivit que " le massacre dans les mines éclaircit considérablement le panorama pour nous ". Et dans une adresse à ces mineurs, il estimait qu'" il ne faut pas persévérer en des tactiques fausses, héroïques sans doute, mais stériles ", invitant les mineurs à le rejoindre : " Ici, nous transformerons la déroute en triomphe et la plainte des veuves prolétariennes en un hymne de victoire ".

Le sort tragique de Guevara fut celui de beaucoup d'hommes et de femmes d'Amérique latine dont les guérillas, isolées et anéanties par l'armée, furent le tombeau. Comme Guevara, même quand ils se réclamaient du socialisme, ils ne comptaient nullement sur la classe ouvrière pour transformer mais plutôt sur les masses paysannes. Mais, surtout, pour eux, c'était à l'appareil militaire de la guérilla de diriger la révolution, pas aux masses populaires. Ils se méfiaient plutôt de la force potentielle que donne au prolétariat sa place dans la production capitaliste.

Le " Che " était un révolutionnaire désintéressé, mais son combat comportait des limites précises, qu'il a ressenties lui-même au sujet de la révolution cubaine, finalement réduite à la lutte pour l'indépendance nationale et à la mise sur pied d'une économie nationale pour tenter d'échapper un peu à la tutelle de l'impérialisme. Ces limites n'étaient rien d'autre que les limites sociales et nationales que les révolutionnaires réunis autour de Castro avaient eux-mêmes tracées. Étrangers à la classe ouvrière, jamais ils ne cherchèrent à élargir leur lutte en appelant, et en aidant, les travailleurs du monde entier à se soulever, comme l'avait tenté, par exemple, la révolution russe à ses débuts.

Tant mieux si le combat du " Che " impose à beaucoup la volonté de lutter contre le capitalisme et l'impérialisme. Mais ils doivent aussi savoir qu'il n'offre aucune clé pour le renverser.

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