Liban : Une situation explosive24/05/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/05/une2025.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liban : Une situation explosive

Encore une fois, la guerre civile semble près de se rallumer au Liban, suite à l'intervention de l'armée libanaise dimanche 20 mai contre le camp palestinien de Nahr El Bared, dans le nord du pays.

Officiellement, celle-ci cherchait à arrêter des membres du groupe islamiste Fatah Al Islam, accusés d'un attentat commis en février contre deux minibus dans la banlieue de Beyrouth. Mais devant la résistance de ce groupe, l'armée a tout simplement bombardé le camp palestinien où celui-ci était installé.

L'explication donnée est que, par accord avec les pays arabes et les autorités palestiniennes, l'armée libanaise ne peut entrer dans les camps de réfugiés. Elle a donc bombardé le camp. Moyennant quoi cette action, commencée en principe pour arrêter quelques suspects, s'est soldée provisoirement par la mort de 20 miliciens du groupe islamiste, de 32 soldats libanais, mais aussi de 27 civils, habitants du camp palestinien pris sous les bombardements et les fusillades. Entre temps, des bombes ont explosé à Beyrouth, l'une dans un quartier chrétien et l'autre dans un quartier musulman.

L'affaire rappelle qu'aujourd'hui des centaines de milliers de réfugiés palestiniens sont toujours parqués au Liban, dans des camps où ils survivent difficilement des subsides de l'ONU, les lois libanaises leur interdisant l'exercice d'un grand nombre de métiers et donc d'avoir un revenu. Ils vivent là dans la précarité, dans ce qui est devenu des quartiers surpeuplés dépourvus des installations les plus élémentaires, sans perspective de sortir un jour de cette situation. Ils sont entourés du mépris de la plupart des forces politiques libanaises, quand ils ne sont pas tout simplement bombardés, par Israël ou même par l'armée libanaise comme on vient de le voir.

Que ce contexte permette de recruter facilement, dans les camps, des partisans de tel ou tel groupe intégriste, ce n'est donc pas surprenant. En l'occurrence, le groupe islamiste mis en cause semble lié à la mouvance d'Al Qaeda et ne pas être formé que de Palestiniens. Les attentats qu'il organise semblent donc signer l'entrée de celle-ci sur la scène politique libanaise, déjà particulièrement tendue.

En effet, depuis des mois, la situation politique est bloquée par l'affrontement entre le Hezbollah, sorti renforcé de la guerre de l'été 2006 avec Israël, et les dirigeants en place du regroupement dit " du 14 mars ", alliés privilégiés des puissances occidentales, à commencer par les États-Unis et la France. Le chef du gouvernement Fouad Siniora, avec ses alliés Saad Hariri et Walid Joumblatt et les dirigeants occidentaux, accusent régulièrement la Syrie d'être responsable de tous les maux du pays, et leurs opposants d'être manipulés par celle-ci.

Ils n'ont donc pas manqué de le faire encore cette fois-ci, attribuant aux dirigeants de Damas une manipulation du groupe islamiste. Elle viserait à faire diversion au moment où le Conseil de sécurité de l'ONU veut mettre en place un Tribunal International pour juger les responsables du meurtre de Rafik Hariri, assassiné en février 2005, qu'ils recherchent parmi les proches du régime syrien.

Voilà qui tend au moins à montrer que, si ingérences étrangères il y a, elles ne viennent pas seulement de la Syrie voisine - qui n'a d'ailleurs été séparée du Liban que par les divisions coloniales introduites par l'impérialisme français. Elles viennent aussi des puissances occidentales, notamment de la France qui continue à considérer son ex-colonie comme son terrain privilégié, et à entretenir des relations étroites avec les clans libanais de financiers à la Hariri... au point que ceux-ci prêtent leur appartement à Chirac quand il quitte l'Élysée !

Ce sont justement toutes ces manoeuvres de division, ponctuées d'interventions militaires successives, qui ont abouti à faire non seulement du Liban, mais de l'ensemble du Moyen-Orient, un champ de conflits de plus en plus inextricables, au point qu'après l' Irak, c'est le Liban qui semble de nouveau au bord de la guerre civile.

Comme première condition pour que les choses se résolvent un jour, la meilleure chose qu'auraient à faire les dirigeants occidentaux, et notamment français, serait bien de cesser leurs manoeuvres, leurs pressions et notamment leur soutien au clan d'affairistes qui continue de s'imposer à la tête du Liban.

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