Au printemps 1917 : Mutineries dans l'armée française et fusillades pour l'exemple09/05/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/05/une2023.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Au printemps 1917 : Mutineries dans l'armée française et fusillades pour l'exemple

Au printemps de l'année 1917, ce que l'on a appelé par la suite la Première Guerre mondiale mais que l'on appelait à l'époque la " Grande Guerre ", se prolongeait sans que l'un des deux camps qui s'affrontaient ait réussi à faire plier l'autre. Cet enlisement dans un conflit meurtrier n'était pas sans répercussions sur la population civile, et sur les soldats. En France, depuis le début de l'année, des grèves avaient touché les usines d'armement, et allaient reprendre de plus belle en mai. Au même moment, l'Allemagne, l'Autriche, le Royaume-Uni connurent la montée d'un important mouvement gréviste. En mars (en février, selon la calendrier orthodoxe), en Russie, la révolution renversa la dictature tsariste.

Depuis septembre 1914, les offensives qui s'étaient succédé sur le front de l'Ouest, en Champagne, en Artois, dans la Somme, s'étaient soldées par des centaines de milliers de victimes. En avril 1917, le nouveau commandant de l'armée française, le général Nivelle, décida une nouvelle offensive qui, cette fois prétendaient les autorités, devait être la bonne et la dernière. Selon Nivelle, en concentrant d'énormes quantités de troupes et de matériels, l'armée française pouvait forcer le front allemand entre Soissons et Reims, au " Chemin des Dames ", une route située sur la ligne de crête dominant l'Aisne, et assurer ainsi la victoire en " 24 ou 48 heures ".

Cette offensive commença à l'aube du 16 avril 1917 et allait se poursuivre durant plusieurs semaines. Elle mit en action plus d'un million de soldats du côté français, mais fut tout aussi inefficace que les offensives précédentes, se soldant par des pertes énormes. 200 000 soldats furent mis hors de combat, dont des dizaines de milliers tués dès les premiers jours.

Fin avril, l'échec de cette offensive marqua le début d'un vaste mouvement de mutineries qui allait toucher jusqu'à la fin de l'été plus de quatre-vingt-dix unités de l'armée : 40 000 à 50 000 soldats y participèrent. Les mutineries faisaient ainsi écho aux grèves qui se produisaient à l'arrière et aux événements de Russie qui faisaient espérer à tous la fin de cette boucherie guerrière.

Les mutineries se propagèrent rapidement. Des soldats mutinés prenaient exemple sur d'autres et tentaient à leur tour d'entraîner dans le mouvement d'autres soldats et d'autres unités. Des rares tracts manuscrits circulèrent. Des soldats parmi les plus engagés dans le mouvement parcoururent les cantonnements, fixant des lieux de réunion à mi-chemin des différentes troupes. L'état d'esprit des soldats était tel qu'il suffisait de peu de chose pour que le mouvement se propage.

Il fut marqué par des initiatives de toutes sortes. La mutinerie prit la forme d'un refus des ordres, plus particulièrement celui de monter au front. Des pétitions pour ne pas remonter en ligne furent rédigées. Certains ne voulurent y remonter qu'à la condition d'avoir auparavant bénéficié des permissions promises. On réclamait aussi bien la fin de la guerre que l'amélioration de la nourriture ou l'augmentation du nombre des permissions.

Dans plusieurs régiments, les soldats firent grève et élurent des délégués chargés de diriger le mouvement. Ici ou là on entendait chanter l'Internationale. Des soldats bloquèrent les trains, s'en prirent à leurs officiers. Des mutins menacèrent de marcher sur Paris.

Destitué, Nivelle fut remplacé par Pétain. Celui-ci tenta de désamorcer la colère des soldats. Il promit de mettre fin aux offensives inutiles, d'améliorer l'ordinaire des poilus ainsi que le régime des permissions. Mais auparavant, il commanda la répression. Le 1er juin, il annonça la suppression de l'instruction préalable pour juger les mutins désignés comme responsables. Enquêtes, pièces judiciaires réglementaires, présentation des témoins n'étaient plus nécessaires. Il déclara couvrir de son autorité " tous ceux qui feront preuve de vigueur et d'énergie dans la répression ".

Les officiers supérieurs choisirent eux-mêmes les hommes qu'ils envoyaient devant les conseils de guerre, " pour l'exemple ". En 1917, les conseils de guerre prononcèrent des milliers de condamnations, dont plus de 550 à la peine de mort. Officiellement, il n'y eut que 49 exécutions.

Ces mutineries largement spontanées furent la conséquence, non seulement de la révolte contre une offensive de plus, inepte et perdue d'avance, mais également de la lassitude et d'une colère grandissante à l'égard d'une guerre dont on ne voyait pas la fin et dont nombre de soldats ne voyaient plus en quoi elle les concernait. Liée au mécontentement grandissant de l'arrière, la révolte des soldats du Chemin des Dames et d'ailleurs pouvait comme en Russie montrer la voie pour mettre fin à la guerre.

Les gouvernants français savaient que si la révolte s'étendait à partir des tranchées, toute la société capitaliste pouvait être menacée. C'est cette crainte qui motiva la férocité de la répression. Malheureusement, elle parvint à enrayer le mouvement des mutineries.

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