Le projet de loi Sarkozy sur la délinquance : Un assaut de répression et de démagogie préélectorale.22/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/11/une1999.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le projet de loi Sarkozy sur la délinquance : Un assaut de répression et de démagogie préélectorale.

Sixième texte de loi axé sur la "sécurité" en quatre ans tout juste, le projet de loi "sur la prévention de la délinquance" est, depuis le 21 novembre, à nouveau en discussion à l'Assemblée, deux mois après avoir été accepté par le Sénat.

Essentiellement basé sur le durcissement de la répression envers les mineurs délinquants ou considérés comme futurs délinquants, le projet du ministre de l'Intérieur lui permet de mettre en avant des thèmes sécuritaires, longtemps avant ses concurrents probables dans l'élection présidentielle. Et le moment même du vote de la loi lui évitera le risque d'être taxé d'inefficacité pour un ensemble de mesures qui seront encore à peine entrées en application.

Un aspect du projet de loi qui entraîne le plus de protestations est le renforcement de la responsabilité du maire en matière de "prévention de la délinquance". Le texte impose à l'élu une tâche de coordination des différentes interventions d'ordre social, scolaire et médical qui touchent les adolescents en difficulté ; pour être à même de mettre en place une sorte de surveillance de ces jeunes, le maire peut exiger d'être informé de tout incident dans la vie familiale, scolaire ou extra-scolaire, et pourrait ainsi se substituer aux professionnels qui, chacun dans sa branche, tentent d'empêcher les dégâts de s'étendre.

Loin d'emporter l'adhésion des élus concernés, ce volet du projet ne sert qu'à désigner des responsables qui seraient, au choix et selon les circonstances, les parents, les enseignants, les assistantes sociales ou le maire lui-même, qui pourrait décider de mettre sous tutelle le versement des allocations familiales aux familles des jeunes incriminés. L'heure n'est pas à envisager des moyens supplémentaires, financiers et humains, pour répondre aux problèmes de ces jeunes des quartiers abandonnés, d'autant moins que tout ce qui est service public voit se réduire parfois jusqu'à l'asphyxie ses crédits de fonctionnement. En revanche, il est prévu de considérer ces jeunes comme des délinquants à part entière, même quand ils sont très jeunes.

L'autre volet du projet, débouchant volontairement sur des images de "pouvoir fort" et de "tout sécuritaire", est donc le durcissement du traitement réservé aux jeunes délinquants. Sarkozy tient à afficher qu'il y aura "davantage de fermeté" car "la sanction est le premier outil de la prévention", comme le déclarait le ministre devant le Sénat, sans craindre le paradoxe ni le ridicule.

Si Sarkozy a dû retirer de son projet l'instauration de peines plancher, automatiques pour les mineurs récidivistes, et l'alignement de traitement des 16-18 ans sur celui des majeurs, c'est à la fois devant les grincements de dents de ses concurrents prochiraquiens au sein du gouvernement, et parce qu'il se réserve de les défendre dans le cadre du programme électoral de l'UMP, le parti qu'il dirige. Mais d'autres mesures restent, et du même acabit. Entre autres, le contrôle judiciaire applicable aux adolescents primo-délinquants, pouvant être suivi, si le mineur ne s'y soumet pas, de détention provisoire dès l'âge de 13 ans ; la présentation immédiate, dès l'âge de 16 ans, devant le tribunal ; l'augmentation de six mois à un an des peines de prison encourues pour rébellion.

Loin de tenir compte des dénonciations de l'état scandaleux des prisons, d'écouter les cris d'alerte lancés par les magistrats et les juges des enfants, le projet Sarkozy ne présente qu'un catalogue de mesures dont le seul dénominateur commun est la répression. Ce texte est même jugé "dangereux" par des juges, des travailleurs sociaux, des infirmières, des médecins, et ce jusqu'au réactionnaire Ordre des médecins. Tant que dure cette société, il sera en tout cas au minimum inefficace, vain et provocateur.

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