La justice française contre les dirigeants du Rwanda : Un écran de fumée pour protéger les gouvernants français.22/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/11/une1999.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La justice française contre les dirigeants du Rwanda : Un écran de fumée pour protéger les gouvernants français.

Le parquet de Paris vient de donner son accord pour que le juge Bruguière, de la division antiterroriste, lance un mandat d'arrêt international contre neuf dirigeants du Rwanda, pour leur prétendue participation à l'attentat d'avril 1994 contre l'ancien chef d'État du pays. Cet attentat donna le signal aux milices formées depuis des années, encadrées, dirigées et secondées par l'armée française, pour commencer leurs massacres.

Le juge en question, qui n'a toujours pas transmis de demande officielle au parquet, s'est pourtant permis de déclarer devant la presse qu'il faudrait aussi, selon lui, poursuivre le chef d'État du Rwanda, Paul Kagamé, devant le Tribunal pénal international. Car, selon Bruguière, c'est Kagamé, chef du Front patriotique rwandais (FPR), organisation essentiellement tutsie, qui a préparé cet attentat contre le chef de l'État. Et comme il s'en est suivi des massacres qui ont permis aux forces armées du FPR d'intervenir et de prendre le pouvoir, ce serait donc Kagamé qui serait responsable des massacres. On croit rêver, ou plutôt faire un cauchemar.

Ces massacres, qui frappèrent la minorité tutsie et des modérés hutus, provoquèrent au final la mort de quelque huit cent mille victimes pendant l'année 1994. Ce qu'on appelle le génocide rwandais est un des pires exemples de la malfaisance de la politique de l'impérialisme français. Car ces massacres furent vraiment préparés, politiquement et militairement, par les gouvernements français sous la présidence de Mitterrand, du gouvernement Rocard à celui de Balladur, de 1990 à 1994.

L'ex-ministre socialiste des Affaires étrangères Védrine, interrogé récemment dans un film consacré aux responsabilités dans l'affaire du Rwanda, a reconnu les faits sans complexe : Oui, a-t-il dit en substance, nous sommes intervenus avant, pendant et après le début des massacres aux côtés des forces radicales hutues, y compris militairement, car il s'agissait pour nous de nous opposer à la pénétration des intérêts anglo-américains dans cette partie de l'Afrique et de garder la prépondérance de la France (c'est-à-dire des intérêts économiques des trusts industriels, financiers et commerciaux). Et pour cela, a-t-il justifié, tout était permis.

Pendant des années, l'armée française avait entraîné les futurs massacreurs, les avait en somme préparés à leurs "futures tâches", avait mis sur pied leur radio "les Milles collines", radio qui allait appeler pendant des semaines aux massacres. Ces milices attendaient le signal de l'intervention, qui fut fourni par l'attentat contre le chef de l'État, pour lequel, en passant, on a largement évoqué l'intervention de barbouzes françaises.

Une fois les massacres commencés, tout ce qui n'était pas engagé derrière le clan radical, soutenu par la France, devait être massacré, hommes, femmes, enfants, Tutsis, mais aussi Hutus qui voulaient vivre en paix aux côtés de leurs frères Tutsis. L'armée française à ce moment-là continua d'appuyer ceux qu'elle avait entraînés.

Le seul regret exprimé par Védrine dans son interview fut d'avoir perdu la partie et d'avoir été obligé de plier bagage de cette région, pour laisser la place à l'influence des concurrents américains.

Tout le monde connaît cette réalité, même si la commission parlementaire mise sur pied sous le gouvernement Jospin a conclu, dans une touchante unanimité, à l'impossibilité de mettre en cause les différents gouvernements français. Mais, il y a quelques mois, des victimes rwandaises avaient manifesté leur volonté d'entamer des poursuites contre les responsables de l'État français pour complicité dans les massacres. La procédure d'aujourd'hui ressemble à un contre-feu, pour inverser les rôles et transformer les massacreurs d'État, ministres et militaires, en malheureuses victimes d'un complot inexorable.

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