Immigration et regroupement familial : Encore trop facile pour Sarkozy et Royal27/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1991.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Immigration et regroupement familial : Encore trop facile pour Sarkozy et Royal

Après Sarkozy qui s'en est pris au «regroupement familial», en prétextant que «sur neuf personnes qui demandent à immigrer en France aujourd'hui, il y en a huit qui le font pour des raisons familiales et une pour des raisons économiques», Ségolène Royal a enfourché le même cheval de bataille en proposant «une immigration temporaire de travail» destinée à éviter l'arrivée des familles.

L'immigration de travailleurs est aussi vieille que le capitalisme. Au début du 20e siècle, de toute l'Europe, des travailleurs étrangers et leurs familles venaient pallier le manque de bras en France, dont la population, de 1850 à 1900, n'avait quasiment pas augmenté. À l'époque, on ne se souciait pas de formalités administratives. Jusqu'en 1917, une simple déclaration à la mairie suffisait pour travailler et s'installer en France.

Mais sans avoir inventé le terme «d'immigration choisie», avec la crise économique de 1929, le gouvernement français ne prit pas de gants pour renvoyer, par trains entiers, ces travailleurs dans leur pays.

Après la Seconde Guerre mondiale et dans les décennies qui suivirent, il fallut à nouveau des bras pour d'abord reconstruire le pays puis faire tourner l'économie. On ne parlait pas alors de «clandestins». Leur arrivée était facilitée, quand ce n'étaient pas les patrons français et leurs agents recruteurs qui organisaient directement la venue de cette main-d'oeuvre.

Seuls ou avec leurs familles, des milliers de travailleurs espagnols, portugais, dont beaucoup vivaient dans les bidonvilles qui entouraient les grandes villes, vinrent ainsi grossir les rangs de la classe ouvrière française.

L'immigration venue d'Afrique noire, qui se développa dans les années 1960, avait au départ un autre caractère. Ces Africains venaient plus souvent seuls, pour un temps limité, vivaient regroupés dans des foyers, envoyant de l'argent au village qui avait payé les frais du voyage vers la France, avant d'être remplacés par d'autres. Mais peu à peu, certains se fixèrent en France et essayèrent de faire venir leur famille.

C'est Giscard d'Estaing, celui-là même qui, pour soigner son «image», invitait au nouvel an des éboueurs africains à petit-déjeuner à l'Élysée, qui mit en place en 1974 des textes réglementant le «regroupement familial», ce qui était une manière de le rendre plus difficile, dans un contexte où s'amorçait la crise économique. Pour faire venir sa famille, le travailleur devait justifier de ressources et d'un logement suffisants. Ces conditions n'ont cessé d'être durcies depuis 1974. En 1977 le regroupement familial fut suspendu pour trois ans pour les demandeurs voulant aussi travailler. Avec la dernière loi Sarkozy de 2006, les demandeurs doivent maintenant résider en France depuis 18mois au lieu d'un an et disposer d'un revenu au moins égal au smic, voire plus, en fonction du nombre d'enfants. Beaucoup de ces travailleurs mal payés n'ont bien sûr pas de tels revenus, ce qui revient à les condamner à vivre seuls.

De même, en ce qui concerne les conditions de logement, celui-ci doit être «convenable», définition à géométrie variable, puisque c'est le maire qui en décide. Mais comment obtiendraient-ils un logement décent alors qu'il en manque des centaines de milliers dans le pays? Enfin la loi Sarkozy ajoute l'obligation de se conformer aux «principes qui régissent la République française», ce qui laisse toute liberté aux préfectures de refuser le regroupement ou de le repousser, alors qu'il faut déjà actuellement près de deux ans pour qu'un dossier aboutisse...

Aujourd'hui le regroupement familial ne concerne que 25000 personnes environ par an, chiffre stable depuis des années. Mais c'est encore trop pour Sakorzy et pour Royal, pour qui ce droit élémentaire que représente la possibilité d'avoir une vie de famille, n'en est pas un quand on est travailleur immigré.

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