Pollution à Abidjan : L'Afrique poubelle des pays industrialisés14/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1989.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pollution à Abidjan : L'Afrique poubelle des pays industrialisés

Le scandale des déchets hautement toxiques déversés à Abidjan, capitale économique de la Côte-d'Ivoire, avec la complicité des autorités locales, vient rappeler qu'il s'agit là, malheureusement, d'une pratique très courante de l'Europe occidentale et des États-Unis vers l'Afrique, et plus généralement vers les pays pauvres.

Les grandes entreprises européennes et américaines déversent leurs déchets toxiques en Afrique au mépris de la santé publique des populations. Il s'agit là d'un trafic dont tout le monde tire profit: les grandes entreprises car cela leur coûte moins cher, les dirigeants africains qui perçoivent des pots de vins, tout cela couvert par le cynisme des chefs d'État et des gouvernements européens qui multiplient les législations et les conventions réglementant, interdisant le commerce de produits toxiques mais qui négocient en sous-main avec les pays pauvres la possibilité de les enfouir dans leur sous-sol.

Au niveau mondial, on compte deux milliards de tonnes de déchets industriels, dont quatre cents millions de déchets dangereux. Dix pour cent du fret maritime seraient composés de déchets illégaux et dangereux. Le coût de revient d'une tonne de recyclage de déchets toxiques en Europe ou aux États-Unis est de 250 dollars... contre 2,50 en Afrique. Le calcul est vite fait et la manne financière considérable. Voilà comment l'Afrique est devenue en quelques décennies la poubelle des pays industrialisés.

Pendant ce temps, le trafic de déchets toxiques vers les pays sous-développés a pris la forme d'accords légaux dits "d'exportation". De grandes multinationales européennes avaient signé des contrats avec des États africains qui acceptaient d'enfouir des déchets toxiques dans leur sol contre compensation financière. Des dizaines de milliers de tonnes de déchets ont alors afflué en Afrique en toute légalité: produits chimiques divers, boues toxiques liées au raffinage du pétrole, déchets infectés des grands hôpitaux européens, le tout à peine enfoui, voire jeté à même le sol. Cela a provoqué des dégâts irréparables pour l'environnement et la santé des populations. Maladies infectieuses et cancers ont grimpé en flèche en Afrique.

Il y a quelques années, cinq millions de tonnes de déchets industriels avaient été enfouis en Angola par un pays européen pour la somme de deux millions de dollars. La Somalie fait également partie des destinations privilégiées pour les matières toxiques et on estime à dix millions de tonnes les déchets qui ont été dispersés le long de ses côtes ou sur son territoire. À l'heure actuelle, de nombreux containers abandonnés, rouillés et éventrés sur les plages, par des industriels européens, laissent s'écouler leurs déchets industriels ou hospitaliers, contenant de l'uranium, du cadmium, du mercure et toutes sortes d'autres produits dangereux. En 2001, un rapport sur le commerce et les affaires de déversement des déchets toxiques avait révélé que les États-Unis et certains pays européens, dont la France, avaient envisagé d'enfouir 29 millions de tonnes de déchets toxiques dans onze pays africains. Un pactole pour les multinationales européennes et les dirigeants des États africains, une pollution et des maladies mortelles pour les masses pauvres du continent! Voilà la réalité du capitalisme.

Même si la législation internationale a évolué et si de nombreuses conventions réglementent le recyclage, le transport et l'enfouissement des déchets toxiques, telle la convention de Bamako qui interdit depuis le 31 janvier 1991 toute importation de déchets toxiques en Afrique, ces textes ne sont absolument pas respectés.

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