Des bateleurs de foire, mais malfaisants06/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1988.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Des bateleurs de foire, mais malfaisants

Le parti au pouvoir, l'UMP, a été le dernier à organiser ce spectacle destiné à attirer les médias que les formations politiques appellent «université d'été». Le grand ordonnateur du spectacle, Sarkozy, a fait donner Johnny Halliday et quelques autres, paraît-il pour plaire aux jeunes. Mais il n'est pas dit que la présence à ses côtés du rappeur Doc Gynéco ait gommé dans la mémoire des jeunes de banlieue d'avoir été traités de «racailles» dont il fallait se débarrasser à coups de Kärcher.

Côté politique, Sarkozy a insisté sur sa volonté de rupture. Pas avec la politique antiouvrière du gouvernement, bien sûr. De ce côté-ci, Sarkozy veut continuer à sévir, comme le gouvernement dont il fait toujours partie, mais en faisant plus encore pour servir la soupe au grand patronat. Ovationné debout au rassemblement du Medef, il a promis aux patrons de restreindre le droit de grève.

Il ne suffit évidemment pas de se faire applaudir par un parterre de patrons pour que les travailleurs acceptent que ce genre de projet soit appliqué. Mais les intentions de Sarkozy sont claires: il veut gouverner à droite d'une manière encore plus autoritaire pour aggraver le sort du monde du travail, afin de pouvoir combler encore plus le grand patronat.

La rupture, dans la bouche de Sarkozy, consiste surtout à dire à Chirac: «Ôte-toi de là que je m'y mette»!

Quant au gouvernement, il vient de supprimer les charges patronales sur le smic pour les entreprises de moins de 20 salariés. Le Medef, jamais content, a aussitôt demandé que la mesure soit élargie aux entreprises de moins de 50 salariés. Et de prétendre que ce genre de mesure soulage les petits patrons, en même temps qu'elle les incite à créer des emplois.

Mais ces prétendues petites entreprises sont souvent des sous-traitants de plus grosses, quand elles n'en sont pas des filiales. La suppression des charges patronales gonflera encore le profit des grosses entreprises et le revenu de leurs actionnaires. Et quant aux créations d'emplois, même la très officielle Cour des comptes affirme poliment que ce n'est pas démontré.

Chaque suppression de charges représente, en revanche, une nouvelle diminution de recettes pour la Sécurité sociale. Et le gouvernement brandira le déficit de la Sécurité sociale pour expliquer qu'il faut baisser les remboursements, accepter de nouveaux forfaits à la charge des assurés et de nouvelles amputations des pensions de retraite et des allocations de chômage.

Le gouvernement a le culot de prétendre que le chômage baisse et s'en glorifie. Cela ne convaincra pas les travailleurs qui ont dans leur famille des chômeurs ou des précaires. Les chiffres du gouvernement sont des mensonges résultant de manipulations statistiques. Un emploi précaire de deux jours suffit pour qu'un chômeur soit rayé des listes, sans parler de toutes les pressions sur les employés de l'ANPE, pour les obliger à radier des chômeurs sous n'importe quel prétexte.

Les travailleurs ont toutes les raisons d'être écoeurés par ce gouvernement et de souhaiter en être débarrassés, car c'est tout ce que mérite ce gouvernement réactionnaire et cyniquement antiouvrier. Mais, malgré leurs différences de langage, ce que les dirigeants de la gauche ont en commun avec la droite, c'est qu'ils ne veulent pas s'en prendre, pas plus que le gouvernement en place, aux profits patronaux. Cela signifie que la gauche, même revenue au pouvoir, ne fera rien pour empêcher les patrons de licencier, de délocaliser ou de remplacer les CDI par des contrats précaires. Elle ne les obligera pas à augmenter les salaires, alors que les hausses de prix font dégringoler le pouvoir d'achat, même pour les salariés qui ont un emploi stable.

Les élections de 2007 peuvent aboutir à un changement de président et de gouvernement. Mais pour changer le sort du monde du travail, pour stopper l'offensive du patronat, il faut la riposte des travailleurs. Une riposte d'une ampleur telle que, quel que soit le président, le patronat soit obligé de céder.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 4 septembre

Partager