Ségolène Royal et l'héritage de Mitterrand25/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1986.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ségolène Royal et l'héritage de Mitterrand

Dimanche 20 août, Ségolène Royal, la favorite des sondages parmi les prétendants socialistes à la candidature pour l'élection présidentielle de 2007, a exposé ce qu'elle comptait faire si elle était élue. Mais derrière les belles phrases, il n'y avait rien pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd'hui au monde du travail.

«La valeur travail sera reconstruite» a affirmé la prétendante. Mais cela ne veut rien dire, et surtout pas qu'elle s'engage, si elle était élue, à lutter vraiment contre le chômage, en utilisant l'argent de l'État pour créer directement des milliers d'emplois, au lieu de multiplier les cadeaux à fonds perdus aux grandes entreprises qui les empochent sans cesser de licencier. Des emplois qui seraient si utiles dans tous les services publics. Des emplois qui seraient nécessaires pour construire en nombre suffisant des logements confortables et abordables, afin que l'on cesse de voir ces images d'incendies d'immeubles délabrés, qui font régulièrement des victimes.

Ségolène Royal ne s'est pas plus engagée à revaloriser les salaires des travailleurs qui voient leur pouvoir d'achat fondre au fil des années. Elle a simplement affirmé que «la récompense de l'effort» était une «valeur progressiste».

Mais «récompenser l'effort», c'est ce que prétend vouloir faire Sarkozy quand il dit qu'il faut offrir aux gens la possibilité de travailler plus pour gagner plus. Et tenir ce langage-là à des travailleurs qui ont vu les rythmes de travail augmenter sans cesse, à tous ceux et celles qui vivent dans la misère, victimes des temps partiels imposés, c'est se moquer du monde.

Toute la presse a noté que Ségolène Royal s'était réclamée de l'héritage de Mitterrand, qui avait fait sur son nom l'unité de la gauche. Mais cela aussi n'a rien de rassurant pour les travailleurs, car sous les deux présidences de Mitterrand, de 1981 à 1995, les attaques n'ont pas manqué contre la classe ouvrière. Dès 1982, le gouvernement Mauroy a organisé le blocage des salaires et interdit d'indexer ceux-ci sur le coût de la vie. Pendant ce temps-là, l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui était de 50% sous Giscard, passait à 45% en 1986, avant que le gouvernement Jospin-Fabius ne décide de le ramener à 33% en 2000.

La politique menée par les socialistes sous Mitterrand déçut à tel point l'électorat populaire que la majorité élue en 1981 fut battue aux élections législatives de 1986, comme celle issue des urnes après la réélection de Mitterrand en 1988 fut laminée aux élections législatives de 1993. À chaque fois la gauche prépara le terrain pour un retour de la droite, qui elle-même, par son cynisme et sa morgue envers le monde du travail, permit au PS de se refaire une virginité. C'est ce que les commentateurs appellent «l'alternance», mais une alternance dans laquelle ce sont toujours les possédants qui sont les gagnants, et les classes populaires les perdantes.

Ceux qui s'imaginent aujourd'hui que l'essentiel sera de voter pour la candidate ou le candidat socialiste en 2007 peuvent espérer, dans le meilleur des cas, revivre le scénario de 1981, de 1988 ou de 1997. Ils auront peut-être, comme lot de consolation, la satisfaction d'avoir renvoyé la droite dans l'opposition. Mais ils n'auront rien à attendre du nouveau gouvernement si le monde du travail ne fait pas entendre sa voix autrement que par les urnes.

Au cours des vingt-cinq dernières années, la gauche a été plus souvent au gouvernement (quinze ans) que la droite. Les partis de gauche, et un certain nombre de responsables syndicaux -les mêmes qui font mine de déplorer, aujourd'hui, que les travailleurs ne suivent pas leurs mots d'ordre- n'ont cessé de répéter que ce n'est pas par les luttes, mais en «votant bien», que le monde du travail pouvait améliorer son sort. Alors, après avoir vu la gauche au gouvernement, beaucoup de travailleurs ne croient plus vraiment à la possibilité de s'opposer aux attaques du grand patronat.

Pourtant, celui-ci n'est fort que de notre passivité. Et indépendamment des élections à venir, ce n'est qu'en montrant la puissance qu'il représente que le monde du travail peut imposer un vrai changement politique.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 21 août

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