Pénurie d'eau : Irrigations subventionnées et incurie intéressée25/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1986.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pénurie d'eau : Irrigations subventionnées et incurie intéressée

Depuis des semaines les pouvoirs publics font campagne pour inciter les consommateurs individuels à «faire des économies» sur l'utilisation de l'eau qui «manque cruellement à cause de la sécheresse» nous disent-ils. Cela est allé de l'encouragement à prendre une douche au lieu d'un bain, jusqu'à la recommandation de ne pas laisser couler son robinet en permanence lorsqu'on se lave les dents. Mais si les réserves d'eau diminuent dans le pays, il ne s'agit pas seulement des variations climatiques, mais aussi des conséquences des choix du gouvernement et des groupes capitalistes qui contrôlent la distribution de l'eau.

L'épuisement progressif des nappes phréatiques (les couches souterraines où l'eau finit par s'accumuler) et l'assèchement des rivières sont dans une large mesure une conséquence de l'irrigation massive opérée par une partie des agriculteurs, en particulier ceux qui cultivent le maïs. La Confédération paysanne a chiffré cette consommation à 80% du total de l'eau consommée pendant les deux mois d'été, où justement le manque d'eau est le plus criant.

De la part des administrations publiques, il y a un comportement incohérent. D'un côté les préfectures font mine de se préoccuper du manque d'eau, des comités de suivi de sécheresse ont été mis sur pied dans chaque préfecture. Et ces mêmes administrations préfectorales, qui sont les seules à pouvoir autoriser l'irrigation, ont souvent l'autorisation facile.

L'utilisation massive de l'irrigation pour la culture du maïs remonte à plusieurs années. Mais cette culture a été encouragée et subventionnée massivement par l'Union européenne appuyée par les gouvernements français successifs.

Le journal LaCroix relevait que dans les Charentes un agriculteur recevant 300euros par hectare de maïs cultivé voyait sa subvention monter à 500euros pour un hectare quand le maïs était irrigué. En 2003, plus de 148millions d'euros de subventions ont été distribués pour la seule irrigation du maïs. En plus de ces subventions directes, les pouvoirs publics font pression pour que les collectivités payent sur leurs deniers les retenues d'eau artificielles pour assurer cette irrigation. Ce qui accélère encore l'assèchement de toutes les réserves naturelles d'eau.

En fait, cette politique ne profite qu'à une petite minorité d'agriculteurs. Seuls 10% des agriculteurs utilisent l'irrigation et parmi ceux-ci, la proportion est plus faible encore pour ceux qui cultivent le maïs, celui-ci n'occupant que 3,5% des terres cultivées. Mais ces 3,5% consomment énormément d'eau. Or leur production ne sert que pour l'alimentation animale. Plus de 80% de la production est exportée et profite aux géants de l'agroalimentaire. Résultat: certaines régions pourtant bien arrosées, comme la Picardie, se trouvent aujourd'hui en état d'alerte sécheresse.

Sur 33 milliards de mètres cubes d'eau utilisés en France, 50% le sont par l'agriculture, 25% par l'industrie et seulement 25% pour l'usage personnel des plus de soixante millions d'habitants du pays.

Mais le gaspillage en eau potable est dû, aussi, aux entreprises de distribution de l'eau. On estime en effet que le quart de l'eau distribuée n'arrive jamais à destination. Elle se perd en cours de route dans des canalisations mal entretenues par les compagnies chargées de cette distribution. Ce sont pourtant elles qui ont la responsabilité de leur entretien, une charge qu'elles ne manquent pas d'incorporer dans le prix auquel elles font payer leurs services.

Alors, bien avant d'être une calamité naturelle, la pénurie d'eau est la conséquence de l'organisation de cette société où tout est fait pour qu'une petite minorité s'enrichisse, sans se soucier de l'intérêt général.

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