Israël : Entre deux guerres?25/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1986.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Entre deux guerres?

Les lendemains de la guerre menée au Liban sont durs pour le gouvernement israélien. Les résultats douteux de cette opération militaire ont maintenant pour conséquence une véritable crise politique.

En déclenchant cette guerre, l'état-major israélien pensait-il vraiment écraser en quelques jours les forces du Hezbollah dans le sud du Liban, par les raids aériens, les bombardements intensifs du territoire, comme par les incursions terrestres? Loin d'avoir atteint ce résultat, ces trente-quatre jours de guerre ont au contraire renforcé l'image d'efficacité et de détermination que le parti politique islamiste s'est forgée, et celui-ci en sort politiquement grandi.

C'est donc au moins un insuccès que vient de connaître une armée israélienne qui se considérait comme invincible. Elle n'est pas plus parvenue à écraser les milices du Hezbollah qu'à faire baisser pavillon aux groupes armés palestiniens dans les Territoires occupés ou récemment évacués, comme Gaza.

Les critiques fusent donc en Israël. Le gouvernement se voit reprocher une opération mal préparée et dont les objectifs n'ont pas été atteints. On lui reproche aussi sa faillite à protéger les populations du nord visées par les tirs de roquettes du Hezbollah ainsi que sa lenteur dans l'organisation des secours aux réfugiés et dans l'indemnisation de ceux qui ont perdu logements, boutiques ou ateliers.

Le Likoud, principal parti d'opposition à droite, ne manque pas cette occasion de se désolidariser du gouvernement, qu'il avait pourtant soutenu il y a plus d'un mois lors de l'attaque contre le Liban. Les médias publient des informations sur les divers scandales qui touchent des responsables de l'état-major ou des membres du gouvernement, jusqu'à Ehoud Olmert en personne, dont la cote aurait chuté de 74 à 27% dans les sondages. Du portefeuille d'actions, vendu par le chef de l'état-major quelques heures avant le déclenchement des bombardements, aux magouilles immobilières d'Olmert, en passant par les accusations de harcèlement sexuel et de fraudes, les accusations touchant de hautes personnalités de l'État fleurissent.

Des voix s'élèvent même au sein de l'armée, parmi les réservistes qui ont été mobilisés ou leurs familles, pour fustiger ce qu'ils qualifient de manquements dans la façon dont a été dirigée la guerre, depuis les défauts dans l'équipement des soldats jusqu'aux hésitations de l'état-major et du ministre de la Défense, le travailliste Peretz. Une commission d'enquête étatique sur l'action du gouvernement et de l'armée a même été mise en place avant d'être suspendue, deux jours plus tard, par Amir Peretz. De telles commissions d'enquête avaient déjà, en 1974 ou en 1982, conduit Golda Meir ou Sharon à présenter leur démission.

À l'heure des bilans, l'ère des règlements de compte dans la classe politique semble ouverte. Netanyahou, dirigeant de l'aile droite du Likoud, qui a pour fonds de commerce son opposition affirmée à tout abandon de colonies israéliennes, à Gaza comme en Cisjordanie, dénonce le «Hamastan» que serait devenue d'après lui la bande de Gaza évacuée depuis près d'un an et transformée selon lui en «base terroriste». Au point que le Premier ministre a préféré annoncer le «gel» du plan d'évacuation des petites colonies de Cisjordanie. Le plan d'évacuation était pourtant bien timide, pour autant qu'Olmert ait eu vraiment l'intention de le mener à bien, puisqu'il se bornait à prévoir la suppression de quelques colonies isolées et un repli sur les blocs de colonies les plus importants destinés à être par la suite purement et simplement annexés, tandis que de nouvelles implantations de familles de colons se poursuivraient par ailleurs en Cisjordanie. De son côté, figure importante du gouvernement, ministre de la Défense et artisan essentiel de l'expédition militaire au Liban, Amir Peretz a à son tour tenu à remonter d'un cran dans le bellicisme en déclarant nécessaire de «préparer le prochain round» contre le Hezbollah.

Tout cela est l'aspect visible de la crise qui filtre dans les déclarations d'actuels, passés ou futurs ministres. Mais la crise de confiance touche sans doute aussi la population elle-même. Le mécontentement qui s'exprime contre certains aspects de la politique menée, contre l'incapacité et la corruption de tel ou tel ministre, peut traduire une inquiétude plus profonde quant à l'avenir que prépare la politique menée par les gouvernements.

Pour le moment, seules des voix, très minoritaires malheureusement, se sont élevées pendant les opérations militaires pour dénoncer la guerre elle-même. Mais il est à souhaiter que ces voix se multiplient et qu'à partir de la crise actuelle de plus en plus d'Israéliens prennent conscience de l'impasse où les mène la politique guerrière de leurs dirigeants. Car la population israélienne dans son ensemble se trouve placée une fois de plus en état de guerre par la politique d'agression permanente menée par les gouvernements à l'égard du peuple palestinien comme des autres populations arabes de la région.

Il est à souhaiter que la population demande des comptes à ces gouvernants qui perpétuent une occupation féroce à Gaza et dans les Territoires, cependant que 10000 prisonniers palestiniens continuent de croupir dans les geôles israéliennes et qu'Israël poursuit en toute bonne conscience et mauvaise foi ses prises d'otages parmi les responsables politiques palestiniens, membres du Hamas.

C'est à souhaiter, avant que les va-t-en guerre au pouvoir en Israël ou bien les jusqu'au-boutistes encore plus à droite, encouragés par l'attitude des puissances impérialistes, elles-mêmes engluées dans la guerre en Afghanistan et en Irak, ne se décident à engager ce «deuxième round» dont parle Peretz.

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