Faut-il ou non faire une réforme sur les droits de succession? Tel est le débat qui divise la majorité, pas tant sur l'opportunité d'une mesure favorable aux nantis que sur celle de la date.Un projet du ministère des Finances prévoit, à partir de 2007, d'exonérer totalement les conjoints survivants des droits de succession.

Actuellement, le montant à régler est progressif: il va de 5% pour la partie inférieure à 7600 euros, jusqu'à 40% pour celle qui dépasse 1,7million. Mais comme le conjoint survivant bénéficie de toute façon d'un abattement, les successions inférieures à la somme de 76000 euros ne sont dans les faits pas imposées. La réforme, si elle a lieu, bénéficierait donc aux plus favorisés, à peu près les mêmes que ceux qui sont assujettis à l'impôt sur la fortune.

C'est d'ailleurs ce que revendique le rapporteur UMP du Budget au Sénat. Selon lui, cette réforme serait en quelque sorte un lot de consolation en attendant une réforme de l'ISF (dans un sens favorable aux plus riches) que le gouvernement n'ose pas présenter avant les élections. La porte-parole de l'UMP voit elle aussi dans ce projet d'exonération totale des droits de succession «une réforme particulièrement nécessaire pour les classes moyennes qui n'ont pas prévu qu'elles allaient être taxées sur la succession»! Comme si les couches les plus fortunées de ces «classes moyennes» n'étaient pas au courant des lois et n'avaient pas tous les conseillers possibles pour les contourner!

Mais il en est d'autres dans la majorité que ce projet fait grincer des dents, tel Pierre Méhaignerie, qui se déclare subitement soucieux de la baisse du pouvoir d'achat des classes populaires. L'exonération des droits de succession amènerait l'État à renoncer à quelque 400millions de recettes par an. Il propose plutôt qu'on maintienne cette imposition pour que le gouvernement double la prime sur l'emploi en y consacrant 500millions de plus.

Méhaignerie serait-il un nouveau Robin des Bois qui veut que l'argent des nantis aille aux pauvres? C'est plutôt un homme qui, lié à la majorité gouvernementale, s'inquiète pour son avenir professionnel. «Faut-il prendre le risque de subir jusqu'à l'élection présidentielle le slogan "tout pour les riches"? Je ne crois pas». En somme, il demande aux riches d'être assez intelligents pour patienter quelques mois avant de réclamer des cadeaux de la part du gouvernement. Mais est-ce que ce n'est pas demander du lait à un bouc?