CNE : La précarité pour des centaines de milliers de travailleurs11/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1984.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

CNE : La précarité pour des centaines de milliers de travailleurs

Cela fait maintenant un an que le CNE (contrat nouvelles embauches) existe. Il a été créé en catimini, le 4août 2005, en plein milieu de l'été, par ordonnance gouvernementale. Le CNE est un contrat précaire, qui permet aux patrons d'entreprises de moins de 20 salariés de licencier les embauchés pendant une durée de deux ans, sans nécessité ni motif, par simple lettre recommandée.

Comme il était prévisible, le CNE n'a pas incité les patrons à créer de nouveaux emplois, mais plutôt à remplacer les embauches prévues en CDD et CDI par ces CNE moins contraignants. L'Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) a calculé que 554000CNE auraient été signés depuis un an. De son côté la Dares (Direction des études et des statistiques du ministère du Travail) a estimé que 70% des embauches effectuées en CNE auraient de toute façon eu lieu, en CDI ou en CDD. Dans les 30% des cas restants, plus de la moitié n'auraient même été que des anticipations d'embauches, si bien que seulement 10% des CNE correspondraient à de réelles créations de postes. Soit, d'après les chiffres du ministère du Travail, 44000embauches nettes. Toutes ces statistiques, dont certaines émanent des services gouvernementaux, montrent à l'évidence que les objectifs que Villepin disait avoir il y a un an étaient tout bonnement des mensonges. Et Villepin a beau se féliciter aujourd'hui, en expliquant qu'à lui seul le CNE est pour «la moitié dans les créations d'emplois en France» (107800emplois créés en 2005 selon l'Unedic), il ne ment qu'à lui-même car plus personne ne peut le croire. Il ne manque pas de culot...

44000 embauches nettes pour 554000CNE, cela signifie que plus de 500000travailleurs ont dû se contenter d'un contrat plus précaire, qu'un CDI bien sûr, mais aussi qu'un CDD, qui protège au moins les travailleurs jusqu'au terme de leur contrat, tant que le patron ne peut pas invoquer une faute grave. Comme le reconnaît un patron d'une PME du bâtiment, «ça me permet aussi de tester les gars et de rompre le contrat sans trop de paperasse», alors qu'«avec un CDD, il faut un début, une fin, un motif. On en peut le rompre que dans des cas très précis, c'est une vraie galère.» Voilà pourquoi, dans ce secteur du bâtiment, mais aussi dans le commerce, la coiffure ou la réparation automobile, le CNE est particulièrement prisé.

Depuis le début des CNE, des cas de licenciements abusifs ont été portés devant les Prud'hommes: femmes enceintes licenciées après avoir déclaré leur grossesse à leur employeur, ou encore travailleurs licenciés parce qu'ils refusaient de faire des heures supplémentaires. Les licenciements abusifs ont été certainement bien plus nombreux encore car avec le CNE, c'est au travailleur de contester son licenciement devant les Prud'hommes. Et il est probable que tous ceux qui ont été victimes de l'arrogance et du mépris patronaux n'ont pas fait cette démarche. Le nombre de licenciements risque encore d'augmenter, au fur et à mesure qu'on se rapprochera de la barre des deux ans. Beaucoup de patrons qui ont embauché en CNE l'ont justement fait pour ne pas embaucher en CDI. Ils renverront donc les travailleurs sans aucun état d'âme avant que leur CNE ne se transforme en CDI... Peut-être pour les reprendre de nouveau en CNE au bout de trois mois, comme la loi les y autorise.

Au Conseil des ministres du 1eraoût, Renaud Dutreil, le ministre des PME, a proposé l'extension du CNE aux entreprises de 50 salariés. Chirac a provisoirement renoncé. Prudent, il lui aurait répondu: «On attendra mai 2007»... C'est sans doute le souvenir du mouvement des jeunes qui, au printemps dernier, avait obligé Villepin à remballer son projet de mise en place du CPE, qui a provoqué chez Chirac ce moment de lucidité. Comme quoi, les luttes laissent toujours un souvenir salutaire dans la mémoire de ceux qui les subissent.

Partager