Chantiers de l’Atlantique – Aker Yards – Saint-Nazaire : Sous-traitance et surexploitation03/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1983.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chantiers de l’Atlantique – Aker Yards – Saint-Nazaire : Sous-traitance et surexploitation

Le11 juillet, tandis que 21 peintres polonais sous-traitants des Chantiers entamaient leur deuxième jour de grève pour le paiement de plus de deux mois de salaire en retard, l'Inspection du travail du département rendait publiques ses conclusions concernant le contrôle qu'elle avait effectué cinq mois plus tôt sur un navire en construction.

Cette «opération coup de poing «datant du 9 février dernier faisait suite à trois ans de conflits et de scandales à répétition concernant les conditions de travail, d'hébergement et de rémunération des ouvriers sous-traitants étrangers travaillant pour le compte des Chantiers de l'Atlantique, nouvellement baptisés Aker Yards.

Pour effectuer ce contrôle, l'Inspection du travail de Loire-Atlantique (qui ne dispose que d'un inspecteur et d'un contrôleur pour le chantier naval et de 32 agents pour tout le département) a dû mobiliser ce jour-là ses agents de secrétariat et d'accueil. 45 personnes ont en effet été nécessaires pour collecter des informations auprès de 650 travailleurs de 14 nationalités différentes employés par près de 130 entreprises -ce qui ne constitue d'ailleurs qu'une partie des 1200 travailleurs présents sur le navire inspecté ce jour-là (employés par pas moins de 440 entreprises).

Quatre mois de travail avaient été nécessaires à l'Inspection du travail pour préparer ce contrôle. Cinq mois ont été nécessaires à 20 contrôleurs pour obtenir des entreprises sous-traitantes les documents relatifs à ce contrôle (fiches de paie, justificatifs de paiement, nature des travaux, comptabilité des heures effectuées, justificatifs des couvertures sociales...) et les vérifier.

Le constat est lourd et particulièrement peu reluisant pour les Chantiers de l'Atlantique et ses sous-traitants. Quarante-cinq infractions ont été relevées, donnant lieu à plus de 15 PV: délit de marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre, infraction à la législation du travail temporaire, obstacle au contrôle, travail dissimulé ont été les principaux délits patronaux constatés.

Le marchandage ou fausse sous-traitance est une pratique courante aux Chantiers. Cela consiste pour le patron sous-traitant à fournir de la main-d'oeuvre sans faire bénéficier les salariés concernés des niveaux de salaires, de primes, d'horaires ou autres avantages liés à la convention collective ou aux accords d'entreprise du donneur d'ordre. Mais cela va bien souvent au-delà avec le non- paiement des 10 à 20 heures supplémentaires effectuées hebdomadairement par les salariés des entreprises étrangères.

Dans son rapport, la direction départementale du travail pointe clairement du doigt les responsabilités des Chantiers de l'Atlantique et de ses plus gros sous-traitants qui cherchent à obtenir «une plus grande souplesse dans la gestion du personnel: pas d'embauche, pas de licenciement, pas de période d'essai, pas d'horaires de travail à respecter pour le donneur d'ouvrage», ce qui conduit au non-respect des règles d'hygiène et de sécurité, au non-respect de la législation sur la durée du travail et au maintien artificiel des effectifs de l'entreprise en dessous des seuils qui donnent droit à des représentants (c'est ainsi qu'un grand nombre de travailleurs employés par des gros sous-traitants habituels des Chantiers ne disposent d'aucun élu du personnel).

Ce rapport sert de préambule aux conclusions qu'en tire l'Inspection du travail. À savoir que de tels contrôles, du fait de leur ampleur, ne peuvent se faire régulièrement, qu'une bonne partie des plaintes déposées ne pourront aboutir, en particulier lorsqu'il s'agit d'entreprises dont le siège est à l'étranger.

Il porte un coup à la crédibilité du discours de la direction des Chantiers de l'Atlantique qui tentait de se faire passer pour «victime de quelques sous-traitants isolés ne respectant pas les règles». Aidée en cela par le patronat local, par la municipalité de gauche quand ce n'était pas par certains dirigeants syndicaux, la direction des Chantiers a tenté de faire passer les militants de la CGT, qui se battaient au côté des travailleurs étrangers, pour des oiseaux de mauvais augure qui «stigmatisent l'entreprise», voire qui travaillent à sa perte. Cette opinion a été largement étalée dans la presse locale depuis des mois, bien plus d'ailleurs que le détail des conflits qui opposent très régulièrement les travailleurs étrangers à leurs patrons.

C'est pourquoi la publicité faite à ce rapport tout comme la nouvelle de la victoire des ouvriers polonais jeudi 13 juillet (qui ont obtenu le paiement de leurs arriérés de salaire) ont été perçues comme une victoire morale par tous les militants et les travailleurs qui considèrent que les travailleurs, français et étrangers, doivent se battre côte à côte pour obtenir une égalité de traitement, qui sera la meilleure garantie contre la dégradation des salaires et des conditions de travail de tous.

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