Il y a cinquante ans, 26 juillet 1956, la nationalisation du canal de Suez26/07/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/07/une1982.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a cinquante ans, 26 juillet 1956, la nationalisation du canal de Suez

Il y a cinquante ans le gouvernement égyptien, présidé par Gamal Abd-El Nasser, décidait de nationaliser le canal de Suez. Ce canal qui se trouve sur son territoire et par où transite une bonne partie du trafic maritime entre l'Asie et l'Europe était jusque-là contrôlé conjointement par la France et la Grande-Bretagne. Par cette nationalisation Nasser entendait proclamer que l'Egypte reprenait le contrôle de cette enclave occidentale sur son territoire. Les revenus du canal devaient être consacrés à la construction du barrage d'Assouan sur le Nil, et permettre, affirma Nasser, le développement de l'agriculture égyptienne.

Nasser affirmait une politique indépendante des vieilles puissances coloniales et en particulier de la Grande-Bretagne. L'Egypte avait en effet été une quasi-colonie britannique de 1882 à 1914. Durant toute cette période le «consul anglais» régnait en maître. À partir de 1914, le statut du pays évolua du protectorat à la semi-indépendance, mais toujours sous la férule anglaise et toujours avec des gouvernements égyptiens aussi corrompus qu'ils étaient serviles vis-à-vis des Anglais.

Quand les «Officiers libres», dont faisait partie Nasser, prirent le pouvoir par un coup d'état en 1952, on mourrait encore de faim en Egypte et la moitié de la population était atteinte par des maladies endémiques. À côté de cela les Anglais, militaires et civils, vivaient dans des quartiers réservés, allaient à leur club et jouaient au golf sur des terrains arrosés et entretenus. Le canal était un symbole de la domination anglaise, traversant l'Egypte, gardé militairement par les Anglais, où les pilotes étaient anglais ou français, les droits de passage tombaient dans les coffres de la Compagnie du Canal.

La nationalisation du canal revêtait une valeur symbolique. Nasser put déclarer que, lorsque le canal fut acquis à l'Egypte, «le dernier verrou du dernier empire était tombé».

Dans le contexte de 1956, cette nationalisation était une véritable gifle au visage des puissances colonialistes. Elle valut à Nasser une popularité immense dans le peuple égyptien et dans le monde arabe en général. Elle lui valut aussi une haine farouche des gouvernements anglais et français et de tous ceux qui n'avaient pas encore compris que le temps des colonies était désormais fini.

Le Premier ministre britannique déclara aussitôt: «Nous ne pouvons pas accepter cet acte de pillage». En France, Guy Mollet, président du conseil, socialiste, exigea une «riposte énergique et sévère contre l'apprenti dictateur». La presse européenne se mit à comparer, à longueur de colonnes, Nasser à un «nouvel Hitler».

Les gouvernements français et britannique préparèrent donc une intervention militaire pour mettre Nasser au pas. L'État d'Israël, qui n'avait pas dix ans d'existence, choisit alors de se mettre de manière éclatante à leur service. Alors que la nationalisation du canal de Suez ne menaçait en rien ses intérêts vitaux, Israël accepta de jouer le rôle de provocateur, lançant en octobre 1956 une opération militaire qui fournit le prétexte permettant aux armées française et anglaise d'intervenir directement en Egypte. Sous prétexte de «garantir» la liberté de navigation sur le canal, à partir du 1er novembre les corps expéditionnaires français et anglais commencèrent à bombarder les grandes villes égyptiennes avant de lâcher leurs parachutistes sur Port-Saïd.

Finalement, après quelques jours de combats qui coûtèrent très cher au peuple égyptien, ce furent les États-Unis qui mirent fin à la crise en obligeant Français, Anglais et Israéliens à se retirer. Le veto américain ayant eu beaucoup plus de poids que l'ultimatum lancé par l'URSS... après que les USA eurent fermement condamné l'expédition franco-britannique.

Le canal de Suez restait égyptien. Les États-Unis n'entendaient pas, à ce moment-là, aider leurs alliés mais néanmoins concurrents à conserver leurs chasses gardées coloniales et ne souhaitaient pas qu'une guerre déstabilise la région pour un prétexte comme celui du canal de Suez dans lequel ils n'avaient pas d'intérêt. C'était aussi l'occasion pour l'impérialisme américain d'affirmer que dorénavant ce serait lui qui ferait la loi au Proche-Orient, en lieu et place des deux vieilles puissances coloniales.

Mais le choix d'Israël de s'opposer aussi directement aux aspirations profondes des peuples arabes, ce choix de se mettre sans vergogne au service de l'oppresseur, de servir de mercenaire aux propriétaires du canal de Suez, allait marquer profondément et durablement la conscience des populations du Proche-Orient.

La France, déjà empêtrée depuis deux ans dans la guerre d'Algérie, mettrait encore six ans à reconnaître que le temps des colonies était fini.

Le nationalisme nasserien, lui, après avoir flirté avec l'URSS, tout en jetant les communistes en prison, se rapprocha des États-Unis et les successeurs de Nasser allaient se montrer des alliés de plus en plus complaisants des puissances occidentales.

Le canal de Suez est resté nationalisé. Mais l'économie de la région est toujours étouffée par l'impérialisme, la pauvreté des masses égyptiennes et arabes faisant les profits des trusts occidentaux. Pour le peuple égyptien le combat pour se libérer du joug du capital financier international et de ses bourgeois locaux reste à mener.

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