Marches pour la «décroissance» : Prêcher l’abstinence à ceux qui n’ont rien21/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1977.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Marches pour la «décroissance» : Prêcher l’abstinence à ceux qui n’ont rien

Le mouvement Nord Nature Environnement, qui regroupe diverses associations de défenseurs de la nature, organise cet été une «marche de la décroissance» qui, partie de Gravelines près de Dunkerque, se terminera à Fourmies. D'autres «marches pour la décroissance» sont organisées dans d'autres régions du pays.

Les tenants de la décroissance considèrent qu'il faut produire moins pour sauver la planète de la pollution et de la raréfaction des matières premières, en particulier des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). Ils voudraient aussi que l'humanité revienne à un mode de vie et à une agriculture plus naturels, privilégie les déplacements à pied, l'habitat écologique etc.

En parcourant le département du Nord les marcheurs pourront constater que la pollution a diminué au fur et à mesure que les usines y ont fermé; que la consommation de carburant y est limitée, parce que bien des gens n'ont pas de quoi mettre du gazole dans le réservoir de leur voiture; que la production textile y est tombée à presque zéro permettant à la nature de reconquérir de magnifiques friches industrielles; que l'habitat naturel permanent en camping y fait des progrès tous les jours, pour cause de pauvreté.

Et en arrivant à Fourmies ils trouveront une ville qui connaît depuis tente ans une décroissance constante du nombre de ses emplois d'ouvriers, une décroissance rapide de la consommation, une décroissance du nombre d'enseignants et bien d'autres formes encore de la décroissance qui sont une calamité pour la population.

Mais les militants de la décroissance semblent ignorer tout cela. Pour eux visiblement, l'ouvrier contraint de travailler dans une usine insalubre et qui y laisse sa santé est un pollueur au même titre que l'actionnaire qui en tire des profits. Le travailleur qui achète une voiture diesel et qui l'use jusqu'à la corde parce qu'il ne peut pas la remplacer est regardé de haut par le cadre écolo qui peut aller au travail à vélo.

Les militants de la décroissance partent de la constatation que, la quantité disponible d'énergie fossile étant limitée, la dépense d'énergie et donc la «croissance» le sont forcément. Ils affirment qu'il vaudrait mieux utiliser rationnellement dès aujourd'hui l'énergie disponible plutôt que de se voir plongés demain dans une crise énergétique et écologique. C'est incontestablement vrai, mais c'est à ceux qui dirigent la planète qu'il faudrait aller le dire. Or le problème n'est pas la croissance ou la décroissance. Il est que pour gérer rationnellement les ressources de la planète, il faudrait pouvoir le faire pour le bien de tous, en se débarrassant de la propriété privée des moyens de production et du pouvoir absolu qu'elle confère à quelques dynasties capitalistes. C'est à ceux-là qu'il est urgent d'ôter leur pouvoir sur la société. Cela n'est pas facile? Sans doute, mais cela ne justifie pas d'aller faire la morale aux plus pauvres, qui n'en peuvent mais, pour les convaincre d'adopter la «décroissance» à laquelle les capitalistes les ont déjà contraints. Les «décroissants» en sont à proposer la simple diminution de la production et de la consommation... à ceux à qui elles font déjà cruellement défaut. Et il faut vraiment être sur une autre planète pour oser venir dire, dans une ville comme Fourmies qui compte presque 20% de chômeurs officiellement recensés, «il faut fermer les usines et cultiver vos jardins».

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