Du rififi dans le XVIe21/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1977.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Du rififi dans le XVIe

Mardi 20 juin, Delanoë, le maire PS de Paris, a attribué au groupe Lagardère la concession des terrains de sport situés à la Croix Catelan, dans le Bois de Boulogne, en bordure d'un des plus chers et des plus chics arrondissements parisiens, le XVIe.

Le site, plus de six hectares comprenant deux piscines découvertes dont une olympique, 49 terrains de tennis, des équipements de toute nature et jusqu'à un club de bridge, était jusque-là géré par le Racing Club de France. Le droit d'entrée au Racing coûte de 200 à 6000 euros, selon l'âge, la cotisation annuelle est de 600 à 1400 euros. À ce tarif-là, les bourgeois du XVIe étaient sûrs de pouvoir se retrouver entre eux et aucune famille ouvrière n'a jamais déballé son casse-croûte sur leur précieuse pelouse. Même pas celle du jardinier.

La Ville de Paris avait la bonté, pour favoriser la pratique sportive sans doute, de louer les terrains au Racing pour 130000 euros par an, une somme dérisoire rapportée au coût du mètre carré à Paris. D'ailleurs le Racing, qui a fait plus de sept millions d'euros de bénéfices l'an passé, est prêt à payer désormais un loyer de 2,2 millions d'euros.

Le Bois de Boulogne, qui fait partie de la Ville de Paris, abrite quelques autres réserves naturelles où vient nicher l'espèce protégée des riches: le Tir au pigeon (huit hectares, 7000 membres); le Polo de Paris (huit hectares également, on est prié de venir avec ses propres chevaux). On ne compte plus les beaux mariages et les belles affaires qui se sont conclues sous leurs frondaisons. Mais tout ce petit monde va devoir se déplacer. Lagardère a décidé d'investir l'argent facilement gagné en vendant les actions d'EADS et se lance dans le sport de haut niveau. Il a déjà la presse pour fabriquer les événements et les réputations, la télé pour vendre des spots publicitaires pendant les compétitions, il a commencé à acheter des sportifs et des techniciens. Il lui faut maintenant un lieu où rassembler tout son personnel, entraîner ses bêtes à concours, les soigner, leur faire tourner les clips publicitaires, les montrer aux journalistes, bref, usiner des records et des profits. Le Bois de Boulogne était tout désigné car il est à la fois bien situé et «pas cher» et son attribution dépend du maire de Paris, Delanoë, grand ami de Lagardère.

Dans cette bagarre pour obtenir la concession des terrains du Bois de Boulogne, le Racing défendait les intérêts d'une petite caste voulant pratiquer entre soi des sports de loisirs. Lagardère a défendu son intérêt financier. Mais les uns et les autres, comme ceux qui les ont départagés, sont d'accord sur un point: la Croix Catelan restera de toute façon réservée à la bourgeoisie, pour ses loisirs ou pour ses profits.

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