Somalie : Qui sème le vent récolte la tempête14/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1976.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Somalie : Qui sème le vent récolte la tempête

Dans la guerre civile qui ravage la Somalie depuis près de quinze ans, les milices islamistes viennent de prendre la capitale Mogadiscio et elles annoncent leur volonté de proclamer une république islamique. La prise de la ville constitue un revers de taille pour les chefs de guerre soutenus et armés par les États-Unis, qui ont convoqué une réunion internationale à New York pour le 15juin. La presse évoque déjà l'installation à Mogadiscio d'un régime rappelant celui des talibans à Kaboul, rapportant l'interdiction par les islamistes de la retransmission des matchs du Mondial de football et la répression d'une manifestation protestant contre cette mesure, qui a fait deux morts.

Cela fait plus de quinze ans que le pays a sombré dans une guerre civile. Avant même le début de celle-ci, la Somalie avait connu les souffrances de la domination coloniale. Doublement d'ailleurs, puisqu'elle fut l'objet de rivalités entre l'Angleterre et l'Italie, sans parler de la France qui créa la Côte française des Somalis, aujourd'hui République de Djibouti. Finalement chaque puissance créa sa Somalie. Il y eut une Somalie britannique et une Somalie italienne, et le pays n'accéda à l'indépendance, réunifié, qu'en 1960, mais amputé de territoires cédés au Kenya et à l'Éthiopie.

C'est pour récupérer ces territoires éthiopiens que le général Siad Barré, dès son accession au pouvoir en 1969, déclencha une guerre contre l'Éthiopie. La défaite militaire entraîna la chute de Siad Barré en 1991 et le début de la guerre civile entre des chefs de guerre ayant pris la tête des différentes ethnies qui composent le pays.

En 1992 les USA, sous prétexte d'éviter un drame humanitaire, lancèrent l'opération «Restore Hope» («Rétablir l'espoir») menée sous l'égide de l'ONU, qui accepta de couvrir de son drapeau ce qui était une intervention militaire. Des dizaines de milliers de casques bleus, américains mais aussi français, italiens, ukrainiens, belges, canadiens, etc., allaient apporter leur soutien direct à ceux des chefs de guerre susceptibles de devenir des gouvernants à la solde des grandes puissances. En fait, l'intervention étrangère allait plonger le pays dans le désespoir, en tournant à l'occupation militaire brutale. Comme au temps des guerres coloniales, la population subit une répression sanglante: quadrillage militaire, emprisonnements, tortures, mais sans aucun résultat du point de vue de l'impérialisme américain. Dès 1995 incapable de rétablir la situation et ne voulant pas prendre le risque de s'enliser, celui-ci décidait de retirer ses troupes et de laisser les chefs de guerre somaliens se battre, au détriment de la population.

Aujourd'hui la Somalie est à feu et à sang, la famine tue tous les jours. On y meurt aussi pour un jerrican d'eau, les puits étant devenus l'enjeu de luttes entre les différents camps. Mais, pendant les combats, les affaires continuent, comme le juteux trafic d'armes qui fait la fortune de tous les intermédiaires, somaliens mais aussi occidentaux. À moins de 20km de la capitale, dont le port est inutilisable, les installations du port de El Maan, par où transitent toutes les armes de tous les camps, fonctionnent sans arrêt. C'est d'ailleurs la volonté des fractions proaméricaines de s'assurer le contrôle total de ce port qui a déclenché, il y a quatre mois, la reprise des combats.

Les neuf millions de Somaliens payent le prix fort de la guerre civile. Les dirigeants des pays impérialistes ont beau jeu de pointer du doigt les responsabilités des chefs de guerre locaux. Mais s'ils se maintiennent en place, c'est parce qu'ils ont été armés, financés et soutenus par les grandes puissances.

Partager