Guantanamo : Trois suicidés dans le goulag de George Bush14/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1976.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guantanamo : Trois suicidés dans le goulag de George Bush

Durant le week-end des 10 et 11 juin, trois détenus du centre de détention de Guantanamo, la base américaine de l'île de Cuba, se sont suicidés. Deux prisonniers saoudiens et un troisième, yéménite, ont été retrouvés pendus dans leur cellule. Pour la plupart des commentateurs, à commencer par le Comité international de la Croix-Rouge, ce triple suicide révèle l'état de désespoir des prisonniers de ce camp de concentration mis sur pied par les États-Unis, en janvier 2002, pour y emprisonner les combattants islamistes, réels ou supposés, faits prisonniers après leur intervention militaire en Afghanistan.

Ainsi le rapporteur des Nations unies, Manfred Nowak, auteur en février dernier d'un rapport public dénonçant la situation scandaleuse du camp de Guantanamo, a estimé que «ces premiers suicides qui interviennent après de nombreuses tentatives (...) traduisent le désespoir de gens, pour certains innocents, emprisonnés parfois durant quatre ans et demi sans avoir la moindre idée de la durée de leur "peine" et sans pouvoir se défendre devant un juge».

Ces prises de position de bon sens contrastent avec la déclaration, largement répercutée par les médias français, du contre-amiral américain Harry Harris, commandant du camp, pour qui «il ne s'agit pas d'un acte de désespoir, mais d'un acte de guerre asymétrique contre nous». Et d'ajouter, à propos des détenus dont il a la charge: «Ils sont rusés, créatifs, résolus. Ils n'ont aucune considération pour la vie, que ce soit la nôtre ou la leur.»

Ainsi, ce serait les suicidés qui auraient pourri la vie de ce contre-amiral qui fait régner depuis quatre ans et demi un régime de fer sur des centaines de détenus, dont certains ont même été relâchés par les autorités américaines, car visiblement rien ne permettait de dire qu'ils soient des terroristes! Mais pour occuper un tel poste, il faut avoir un culot à toute épreuve.

Depuis l'ouverture du camp, 760 détenus y ont été amenés et 300 renvoyés chez eux. Une partie d'entre eux ont révélé aux organisations humanitaires les mauvais traitements dont ils ont été victimes: privation de sommeil, isolation, humiliations sexuelles. Sur les 460 détenus actuels, une dizaine seulement sont formellement poursuivis pour des activités terroristes. Mais aucun n'a été jugé. Les détenus peuvent faire appel à un avocat indépendant, mais celui-ci peut être tenu à l'écart de toute audience et de toute information, au nom de la sécurité des États-Unis!

Outre 41 tentatives de suicide de la part de 25 détenus, une grève de la faim avait mobilisé, l'été dernier, jusqu'à 131 prisonniers. Or, si quelqu'un n'a aucune considération pour la vie, ce sont bien les autorités américaines. Elles en font chaque jour la démonstration, non seulement à Guantanamo, ce centre qui bafoue toutes les règles de «l'État de droit» tant vanté par les grandes puissances, mais aussi en Afghanistan et en Irak, où l'armée américaine agit sans aucun égard pour le sort des populations.

De multiples organisations humanitaires réclament la fermeture de ce centre indigne. Bush n'a exprimé, à propos du triple suicide, que quelques mots creux, une «profonde préoccupation» et la demande que les corps des suicidés soient traités avec respect, ce qui apparemment n'allait donc pas de soi. Bush a bien laissé entendre aussi que ce centre pourrait fermer, ce que demandent certains de ses alliés européens. Mais pour le moment, il n'est question que de renvoyer dans leur pays d'origine quelque 150prisonniers que les États-Unis ne considèrent pas comme une menace. Mais, comme les dirigeants US n'en sont pas à une hypocrisie près, ils expliquent que, si ces libérations tardent, c'est qu'ils s'inquiètent sur le sort que pourraient connaître dans leur pays d'origine les prisonniers libérables, être torturés par exemple!

En fait, jusqu'à présent, l'arbitraire ouvertement affiché par les États-Unis à Guantanamo leur a semblé un bon moyen de montrer que le patron du monde capitaliste n'est pas concerné par les règles de droit les plus élémentaires, qu'il prétend par ailleurs imposer aux autres, baïonnette au canon s'il le faut. Et ce n'est pas la discrète protestation de ses alliés européens qui risque de beaucoup l'influencer.

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