Grande-Bretagne : La bureaucratie syndicale etla fermeture de Peugeot-Ryton14/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1976.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : La bureaucratie syndicale etla fermeture de Peugeot-Ryton

Après l'annonce de la fermeture de Peugeot-Ryton pour 2007, les leaders syndicaux avaient multiplié les efforts pour convaincre les travailleurs que toute tentative de résistance collective visant à empêcher les 2300 licenciements annoncés était vouée à l'échec. Fin mai, ils ont fini par se sentir assez sûrs de leur coup pour les «consulter».

Il n'était pas pour autant question, bien sûr, de donner l'occasion aux ouvriers d'exprimer leurs sentiments ni de débattre des options possibles. Il s'agissait d'un simple vote par correspondance, pour ou contre une «action», et les bulletins de vote devaient rentrer au plus tard le 5 juin à midi.

Fait remarquable dans un scrutin syndical, que les appareils mettent en général des semaines à dépouiller, le résultat fut annoncé le jour même. On pouvait en conclure que les bureaucrates avaient obtenu le résultat qu'ils souhaitaient et qu'ils étaient très pressés de le rendre public.

Et effectivement, un communiqué du syndicat T&G (dont les membres sont très majoritaires, surtout en production) annonçait que 440 travailleurs avaient voté pour une «action» et 516 contre. En y regardant de plus près, 449 syndiqués du T&G n'avaient pas participés au vote.

Dans ce communiqué, Tony Woodley, leader du T&G et figure de proue de ce que l'on appelle en Grande-Bretagne la «gauche syndicale», poussait le cynisme jusqu'à déclarer que les travailleurs avaient montré par leur vote qu'ils préféraient leurs indemnités de suppression d'emploi à la «lutte». S'il n'y avait pas de résistance aux sales coups de PSA, c'était donc la faute des ouvriers!

Mais quelle était donc la «lutte» que proposaient les syndicats? Aucune précision n'avait été donnée sur l'»action» envisagée. Tout ce que les ouvriers savaient, c'était que son but serait d'appuyer le «plan industriel» proposé à PSA par le T&G et par Amicus, le syndicat des professionnels.

Or ce plan offre l'aval des syndicats à la suppression de la moitié des effectifs de production dès cet été, que PSA prévoit de toute façon, et à une remise à plat des conditions de travail pour les ouvriers restants, pour augmenter la «compétitivité» de l'usine. En «échange», les syndicats demandent à Peugeot de maintenir l'usine en activité sur la base d'un demi-effectif jusqu'à ce qu'un nouveau véhicule remplaçant la 206 soit mis en production vers 2010. Et pour faire bonne mesure, les leaders syndicaux promettent de peser de tout leur poids sur le gouvernement Blair pour obtenir de nouvelles subventions au géant automobile.

Qu'ils aient voté oui ou qu'ils aient voté non, les travailleurs n'avaient donc d'autre «choix» que de voter pour le licenciement de plus d'un millier d'entre eux dès la fin du mois prochain et pour l'aggravation des conditions de travail des autres. Il faut tout le mépris d'un Tony Woodley envers les ouvriers pour oser leur reprocher de renoncer à ce qu'il appelle la «lutte»!

Toujours dans le même communiqué, Woodley a tenu à souligner que le T&G, lui, ne renonce pas à la continuer, cette «lutte». Mais quelques jours plus tard, on a pu voir en quoi elle consistait, lorsque des placards publicitaires pleine page en couleur sont apparus dans des quotidiens nationaux.

Sous le titre «Cet été, pensez à l'Angleterre», il s'agit d'inviter la population à ne pas acheter de voitures PSA. Pour faire bonne mesure, la moitié du placard est occupée par une photo de supporters de l'équipe de football d'Angleterre arborant son emblème, la croix de Saint-Georges. Et le tout est signé du T&G et d'Amicus, avec ce slogan: «En lutte pour les travailleurs britanniques et les emplois britanniques».

La seule perspective qui permettrait aux travailleurs de se défendre efficacement serait d'imposer le maintien de leurs emplois, quitte à répartir le travail entre tous sans réduction de salaire, en prenant sur les profits colossaux accumulés par les actionnaires des grands groupes industriels et financiers.

Mais évidemment, une telle perspective n'a de sens qu'en recourant aux instruments de la lutte de classe -c'est-à-dire précisément ceux dont les bureaucrates syndicaux ont le plus peur.

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