Allemagne : Une victoire des hospitaliers14/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1976.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Une victoire des hospitaliers

C'est dans l'indifférence totale des médias, qui ont complètement occulté ce mouvement pour ne s'intéresser qu'à celui des médecins hospitaliers dès que ceux-ci se sont mis en grève pour leurs propres revendications, que les travailleurs des hôpitaux universitaires du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW) ont poursuivi pendant quatre mois une lutte pour l'obtention d'une convention collective. Les travailleurs des CHU n'étaient en effet plus couverts par une convention collective depuis janvier 2001. La réglementation précédente s'appliquait encore aux salariés embauchés avant cette date, mais cette situation avait permis aux pouvoirs publics d'imposer aux nouveaux embauchés des conditions de travail dégradées: 20% du personnel avait déjà, début 2006, des salaires plus bas et des horaires de travail plus longs!

C'est dans le contexte du mouvement de grève contre l'allongement du temps de travail qui a touché, à partir de février, de nombreux services publics, que les travailleurs des CHU se sont mis en grève reconductible. Ils réclamaient, à l'appel de Ver.di, la fédération syndicale des travailleurs des services, l'application de la nouvelle convention collective des services publics. Celle-ci, signée en octobre 2005, était entrée en vigueur dans les hôpitaux communaux, mais les autorités refusaient de l'appliquer aux CHU.

Nous publions, à ce sujet, un témoignage sur la fin de la grève au CHU d'Essen.

Après 16 semaines de lutte, la grève des six CHU de Rhénanie-du-Nord-Westphalie s'est terminée le 6 juin avec la reprise du travail au CHU d'Essen. On peut dire que les grévistes ont remporté une victoire sur toute une série de points. Les employeurs, c'est-à-dire le gouvernement du Land, qui voulaient imposer la semaine de 41 heures à tous les salariés, ont dû maintenir l'horaire de travail à 38 h 30. Les nouveaux embauchés, qui l'étaient depuis plusieurs années sur une base de 41heures, ne travailleront désormais plus que 38 h 30, sans perte de salaire.

Sur d'autres questions, les nouveaux embauchés vont aussi être traités de la même façon que les plus anciens. Tout le monde touchera à nouveau les primes de vacances et de fin d'année. Et après plusieurs années de gel de salaires, il y a aura à nouveau des augmentations.

Après des années de suppressions d'emplois, de privatisation partielle et d'autres détériorations des conditions de travail, les travailleurs des CHU ont donc obtenu des améliorations pour eux-mêmes. Cela n'a été possible que grâce à leur combat, à leur cohésion et leur persévérance. Et ils sont sortis avec fierté de cette lutte, en ayant fait plier le gouvernement régional qui a dû ravaler son attitude arrogante.

Les améliorations obtenues ne sont toutefois pas stipulées dans une convention collective, mais dans une simple ordonnance. La différence réside dans le fait qu'une ordonnance peut être abrogée du jour au lendemain par le gouvernement du Land. Alors qu'une convention collective, même si le gouvernement la dénonce, continue à s'appliquer jusqu'à ce qu'une nouvelle soit conclue avec les syndicats.

Le ministère des Finances du Land, Helmut Linssen, a certes promis qu'une convention collective serait signée en janvier 2007 pour tous les CHU. Mais, comme chacun savait à quel point on ne peut pas faire confiance aux politiciens et à leurs promesses, de nombreux travailleurs voulaient, à l'hôpital d'Essen, continuer la grève jusqu'à ce que le gouvernement signe une véritable convention collective. La direction de Ver.di voulait en revanche arrêter immédiatement le mouvement.

Pendant la grève, le syndicat avait pourtant toujours expliqué que les grévistes devraient décider par eux-mêmes de tout. Mais le jour qui a précédé l'assemblée au cours de laquelle la fin de la grève devait être mise au vote, plusieurs permanents syndicaux, qu'on avait peu vus auparavant, se sont succédé pour convaincre les grévistes d'arrêter le mouvement. Et alors qu'au cours de la réunion beaucoup de travailleurs se sont prononcés pour la poursuite du mouvement ou, du moins, pour tenir une assemblée commune de tous les CHU de NRW et décider ensemble, Ver.di a arrêté la grève sans autre forme de procès et sans vote.

Pour ceux qui se sont battus, la grève demeure cependant une expérience importante. Des collègues de professions et secteurs très différents (cuisinières, infirmières, électriciens, personnels de ménage) ont appris à se connaître et sont restés côte à côte pendant quatre mois. Beaucoup d'entre eux ont fait grève et manifesté pour la première fois de leur vie. Ils ont rencontré des grévistes d'autres CHU et participé à l'organisation active de la lutte. Ils ont aussi appris combien il est important que les travailleurs prennent eux-mêmes leur grève en main.

Tout cela est un gage important pour l'avenir. Comme on a pu l'entendre souvent lors de la dernière assemblée des grévistes: «Cela ne sera pas notre dernière grève».

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