Ségolène et les 35 heures : Responsable mais pas coupable07/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1975.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ségolène et les 35 heures : Responsable mais pas coupable

Le deuxième chapitre du livre-profession de foi de Ségolène Royal, mis en ligne sur son site le 1er juin et intitulé «Les désordres de l'emploi et du travail (comprendre les mutations pour mieux les maîtriser)», contient trois paragraphes sur les 35 heures, «un gain inégalement partagé de bien-être au travail».

On peut y lire que la contrepartie des 35 heures fut «un spectaculaire assouplissement du droit du travail et une flexibilité accrue. (...) La proportion des salariés en horaires flexibles est passée de 10 à 40%, soit plus que les salariés américains. Pour ceux-là, les rythmes de travail ont été intensifiés, les amplitudes horaires étendues et la segmentation de la journée de travail accentuée. (...) C'est donc essentiellement au bas de l'échelle des qualifications et des statuts que la flexibilité a été accentuée: chez Michelin, les cadres ont bénéficié de jours de congé supplémentaires et les ouvriers sont venus travailler le samedi... D'où ce résultat non voulu: une dégradation de la situation des plus fragiles.»

Cette loi, Ségolène Royal l'a approuvée, défendue, votée et portée au pinacle jusqu'au 31mai de cette année, alors qu'elle contient en toutes lettres ce qu'elle dénonce aujourd'hui: la possibilité d'augmenter la flexibilité du travail. Elle a même été faite pour cela.

La loi Aubry dite des 35 heures contient aussi bien d'autres attaques contre les travailleurs et, celles-là, Ségolène Royal n'en parle pas. La loi favorise la «modération salariale», autrement dit le blocage de fait des salaires pour plusieurs années. Elle stipule que l'organisation du temps de travail sera soumise à des accords d'entreprise ou même de site. C'est-à-dire qu'elle livre les travailleurs les moins organisés, en particulier ceux des petites entreprises, à la merci de leurs patrons. Au-delà, elle tend à morceler la classe ouvrière en rendant les conventions collectives caduques et en faisant de chaque entreprise un cas particulier.

En plus de faire aux patrons le cadeau de la flexibilité et de la «négociation» en position de force, la loi les «dédommage» en les couvrant de subventions. Cela, Ségolène Royal ne l'aborde pas. Et lorsqu'elle parle de la différence de traitement entre les ouvriers et les cadres de Michelin, elle ne dit pas un mot des bénéfices que Michelin a tirés du passage aux 35 heures.

Interrogée à la télévision, la dirigeante socialiste a redit en substance ce qu'il y a dans son livre: pour elle, la loi sur les 35heures est une «grande loi sociale» qui visait à créer des emplois et dont le «résultat non voulu» a été une dégradation de la situation des travailleurs et une augmentation des bénéfices des entreprises. Mais il serait plus conforme à la réalité de dire que la loi sur les 35heures a été une loi en faveur des patrons qui prévoyait l'augmentation des bénéfices des entreprises à la mesure de la dégradation des conditions de vie des travailleurs. Et dont un autre «résultat non voulu» a été une large contribution à la perte de quatre millions de voix par les partis de gauche au premier tour de la présidentielle.

Et c'est ce résultat-là qui préoccupe une Ségolène Royal qui se dit par ailleurs favorable à d'éventuels assouplissements de la loi dans ses déclarations destinées, non à l'électorat populaire, mais au Medef.

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