Guy Drut amnistié : Rien ne sert de courir... mais ça peut aider31/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1974.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Guy Drut amnistié : Rien ne sert de courir... mais ça peut aider

Chirac vient de déclencher une vague de protestations plus ou moins sincères dans les médias et dans le petit monde politicien, y compris au sein de l'UMP, pour avoir amnistié son ami Guy Drut, condamné dans une affaire d'emploi fictif.

Guy Drut, ancien recordman de 110 mètres haies dans les années 1970 mais aussi ancien ministre, maire de Coulommiers et député UMP, avait été condamné en octobre 2005 à 50000euros d'amende et 15 mois de prison avec sursis pour avoir bénéficié d'un emploi fictif dans une entreprise de travaux publics de 1990 à 1993. Pour cet «emploi», il avait perçu un salaire de 774000 francs. À son procès, il n'avait même pas tenté de faire croire qu'il y avait travaillé. Il faut dire qu'il ne s'était guère présenté à son procès non plus.

Cet emploi fictif n'était même pas un emploi sur mesure pour champion retraité dans le besoin. Guy Drut disposait de revenus très confortables. Ses investissements boursiers lui avaient rapporté à la même époque «des plus-values très importantes et totalement inexpliquées pour plusieurs millions de francs», avait signalé l'un des magistrats. Il avait dû payer en 1994 treize millions de francs au titre de l'impôt sur la fortune. Bref, cet emploi dans le BTP, c'était tout juste pour pouvoir bénéficier de la Sécurité sociale et se faire un peu d'argent de poche.

Chirac a pu l'amnistier, à titre personnel, en s'appuyant sur une loi de 2002 taillée sur mesure: elle rajoutait les sportifs de haut niveau à la liste des personnages amnistiables par le président de la République, qui ne comportait jusque-là que les scientifiques, les engagés volontaires en temps de guerre et les héros de l'humanitaire. L'ensemble de la classe politique fait aujourd'hui semblant de s'en offusquer, mais elle est bien placée pour savoir que le genre de pratique reprochée à Guy Drut, tout comme l'initiative de Chirac, sont assez courantes.

Mais l'expression «emploi fictif» est-elle adéquate? L'ex-sportif Guy Drut, comme d'autres, comédiens, acteurs ou chanteurs, sont en fait de véritables hommes-sandwichs de ce gouvernement, prêts à servir les hommes politiques. La gauche a eu aussi les siens -parfois les mêmes- car, quand on est un bon comédien, changer d'emploi n'est pas un problème. Guy Drut, lui, a prolongé une carrière sportive, dans laquelle il s'affichait volontiers avec les représentants du pouvoir, par une carrière politique dans laquelle il cumulait les deux rôles. Et il n'est pas inhabituel que le monde de l'entreprise paye, directement ou indirectement, ces hommes et ces femmes qui cherchent à le représenter et à le défendre, en lui donnant une image attrayante.

Dans cette activité de faire-valoir, Guy Drut et ses émules ne jouent pas un rôle fictif: ils sont des représentants du pouvoir actuel, et des serviteurs zélés de ces chefs d'entreprise qui, en retour, les rétribuent généreusement.

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