Carrefour Perpignan - Merchandiseurs : Exploitation et précarité18/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1972.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Carrefour Perpignan - Merchandiseurs : Exploitation et précarité

Le 15 mai 2006 devaient comparaître devant le tribunal correctionnel de Perpignan la Société Carrefour Hypermarché France, sa filiale Interdis, leurs directeurs respectifs, ainsi que l'ancien directeur du magasin Carrefour de Claira, dans les Pyrénées-Orientales. Ils étaient jugés pour «délit de marchandage» et «prêt illicite de main-d'oeuvre». Le jugement a été mis en délibéré au 26 juin.

Dans les hypermarchés Carrefour travaillaient en effet, depuis des années, des salariés payés par les fournisseurs ou par des sociétés prestataires de services. Ces employés, censés travailler à la promotion commerciale des produits des fournisseurs, étaient en fait mis à disposition pour accomplir le même travail que les salariés de Carrefour, c'est-à-dire essentiellement de la mise en rayon. Cette mise en rayon concernait souvent tous les produits, quelle qu'en soit la marque, et le plus souvent sous les ordres de responsables Carrefour. Ces salariés «extérieurs» étaient parfois amenés à remplacer des salariés du magasin absents et même à former des nouveaux embauchés.

Pour Carrefour, les avantages d'une telle pratique, illégale, étaient évidents: une main-d'oeuvre gratuite, puisque rémunérée par les fournisseurs, et corvéable à merci par son statut éminemment précaire.

Quant aux salariés concernés, appelés «merchandiseurs», cela se traduisait d'abord par des rémunérations inférieures de plus de 45% par rapport à un salarié de la société Carrefour qui faisait le même travail! De plus, ces salariés ne bénéficiaient d'aucun des avantages sociaux liés aux accords collectifs Carrefour (participation, intéressement, fériés rémunérés, mutuelle, Comité d'entreprise, etc.).

Cela signifiait aussi des conditions de travail infernales. Prendre les congés payés était un vrai parcours du combattant: il fallait trouver soi-même un remplaçant. Les congés maternité ou maladie étaient un «luxe» interdit.

Et puis cela voulait dire la précarité la plus absolue: une salariée pouvait ainsi se voir proposer des dizaines de contrats de travail à durée déterminée, tous illégaux, allant de un jour à dix semaines pour une ou deux heures par jour, ou alors pour une heure par semaine! Mais aussi des contrats à durée indéterminée de une heure par semaine, ou encore huit heures dans l'année... Sans compter qu'à tout moment, sur simple décision du chef de rayon ou du directeur du magasin, du jour au lendemain, le salarié pouvait se voir interdire de mettre les pieds dans le magasin.

À Carrefour Claira, près de Perpignan, une salariée a vécu pendant dix-huit ans cet enfer. Elle n'était pas la seule, des dizaines d'autres salariés au niveau du magasin, des milliers au niveau de Carrefour France subissaient la même galère.

En 2000, la CGT de Carrefour Claira a entrepris les démarches nécessaires auprès de l'Inspection du travail pour faire cesser de telles pratiques. Ces démarches débouchent aujourd'hui, plus de cinq ans après, sur la citation à comparaître devant un tribunal correctionnel pour les responsables de ces pratiques illégales au niveau de Carrefour.

Le procès était limité au seul magasin de Carrefour Claira, alors que ces pratiques existent au niveau de tous les magasins Carrefour, mais aussi dans les autres enseignes de la grande distribution. Il pourra peut-être permettre aux victimes qui se sont portées partie civile d'obtenir réparation, même partielle, du préjudice subi. Il a de toute façon mis en lumière l'exploitation et la précarité que le grand patronat, dans des sociétés d'envergure internationale comme Carrefour, impose au monde du travail, pour accroître encore des profits considérables qui iront dans les poches d'une poignée d'actionnaires.

La CGT avait appelé à un rassemblement devant le tribunal de Perpignan le jour du procès. Une centaine de syndicalistes de Perpignan, de Carrefour Claira mais aussi de Marseille étaient présents. Tous étaient convaincus que, indépendamment du résultat du procès, c'est par la lutte et la mobilisation des travailleurs que l'on pourra faire reculer réellement la précarité.

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