L’apprentissage junior : Déjà sous le régime de Vichy...20/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1968.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L’apprentissage junior : Déjà sous le régime de Vichy...

La seconde mouture de la loi sur l'égalité des chances a supprimé le CPE, mais elle maintient l'abaissement de l'âge de l'apprentissage à 14 ans. Certes, dans un premier temps, l'apprenti est toujours sous statut scolaire et peut reprendre ses études, au moins jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire fixée à 16ans.

Tel qu'il est présenté par le gouvernement, ce «dispositif d'apprentissage junior concourt à renforcer la voie d'excellence qu'est l'apprentissage». Aussi bien dans le ton que dans le projet, voilà qui n'est pas sans rappeler un texte rédigé par Gaston Chausson, propriétaire des usines du même nom, en février 1941, sous le régime de Vichy. En voici quelques extraits:

«Il faut préparer les jeunes à leur futur métier.

On s'accorde de plus en plus à admettre l'utilité d'une formation dite de préapprentissage, qui serait le complément de l'école primaire et le trait d'union entre elle et l'apprentissage proprement dit.

Cette formation, qui s'applique aux jeunes de 13 à 14 ans, devrait être obligatoire pour tous et rattachée à l'école primaire. (...) Son programme se résumerait ainsi: "Préparation aux travaux manuels, Éducation morale, intellectuelle et physique. Orientation professionnelle". (...) À ces cours, seraient exaltés le goût du travail bien fait, de l'effort, de l'énergie et de la discipline par des exemples montrant de simples ouvriers qui, par l'application de ces principes, ont pu gravir tous les échelons de l'échelle sociale pour atteindre les plus hautes situations. (...) C'est au cours de cette année préparatoire que peut le mieux se faire et s'exercer une véritable orientation professionnelle selon les goûts, les aptitudes physiques des intéressés. (...) Pour être parfait et surtout efficace, ce programme exigerait un ministère des Corporations dont une section aurait pour mission de tenir à jour annuellement une statistique des professions et de leurs besoins en main-d'oeuvre. Les services d'orientation renseignés de ces besoins pourraient, alors, diriger judicieusement les jeunes gens qui leur ont été confiés. C'est à ce prix que le problème de la main-d'oeuvre et du chômage sera résolu.»

Voilà pour ce qui se traduit, en langage Villepin 2006, par «apprentissage junior initial».

Pour l'apprentissage proprement dit, Gaston Chausson l'envisage ainsi:

«À 14 ans, un jeune homme dont les parents n'ont pas de rentes doit être préparé dans le minimum de temps à gagner sa vie. Il y a 40 ans, un jeune apprenti de 14 ans travaillait fréquemment 60 heures par semaine. Aujourd'hui, je peux affirmer et prouver qu'il ne doit pas consacrer moins de 40 heures par semaine à l'apprentissage effectif de son métier. L'enseignement culturel et de la culture physique sont à prendre sur des heures supplémentaires.

Je reste sceptique quant à l'intérêt que présente la généralisation de l'enseignement de la culture physique, car il est difficile d'admettre que 70% des ouvriers ne la pratiquent pas suffisamment dans l'exercice même de leur profession.»

Et Chausson regrette le temps où «le patron qui prenait un apprenti recevait des parents une certaine somme pour l'indemniser de ses frais»! Une piste que Villepin, Larcher, Borloo et compagnie n'ont pas encore explorée! Et pourtant, dans leur attirail de mesures dirigées contre les travailleurs, ils n'hésitent pas à chercher leur inspiration dans celles mises en avant par les grands patrons réactionnaires sous un régime qui a, entre autres, interdit le droit de grève et l'existence des syndicats ouvriers.

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