France Soir : Grève contre les licenciements20/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1968.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Soir : Grève contre les licenciements

Le personnel du quotidien France Soir est en grève depuis le 13 avril. Ce mardi 18, il a reconduit sa grève qui a commencé dès que le tribunal de commerce de Lille a choisi l'équipe Brunois-Rey comme repreneurs.

À la fin des années cinquante, France Soir vendait plus d'un million trois cent mille exemplaires. Depuis, sa diffusion est tombée à 35000 exemplaires par jour.

En une dizaine d'années, France Soir a changé de propriétaire plusieurs fois. Les reprises se sont accompagnées de nombreuses suppressions d'emplois. En supprimant du personnel, les directions successives ont encore fragilisé ce titre, car comment fabriquer un journal sans journalistes, photographes, infographes, metteurs en pages, etc. Il ne suffit pas de mettre de l'encre sur du papier pour intéresser les lecteurs. Les ventes ont donc continué de chuter. Dans la presse comme ailleurs, les patrons ont toujours la possibilité, pour tenter d'améliorer leurs résultats, plutôt que le contenu du journal, de réduire le nombre de leurs employés. Aujourd'hui, le personnel compte environ 130 salariés, journalistes souvent pigistes, c'est-à-dire payés à la tâche, ouvriers du Livre, employés et cadres.

Parmi les différents repreneurs qui se sont présentés pour le rachat du titre figurait un homme d'affaire franco-israélo-russe, Arcadie Gaydamak, déjà propriétaire du journal Moscow News. Ce personnage est sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour trafic d'armes vers l'Angola. Il doit 75 millions d'euros au fisc français mais il se proposait malgré cela de reprendre France Soir avec la totalité des salariés, et d'apurer les dettes.

L'autre candidat à la reprise était le promoteur immobilier Jean-Pierre Brunois, flanqué d'un pseudo journaliste aux accents populistes, spécialiste de la presse «poubelle»: Olivier Rey. Ces deux-là n'entendent conserver que 51 personnes, dont 31 journalistes. Pour compresser les frais et les effectifs, ils proposent de se passer de photographes, de n'utiliser que les dépêches d'agences. Ils supprimeraient d'emblée les services «Politique» et «Culture», tout un programme!

Pour ces messieurs, un journal populaire n'a besoin que de faits divers et du turf, le reste n'est pas censé intéresser le «populaire». Le personnel de France Soir, par la voix du Comité d'entreprise, avait indiqué sa préférence, sans grandes illusions, pour l'autre repreneur, qui prétendait ne pas licencier. Mais le tribunal de commerce de Lille en a décidé autrement.

Dans cette société, les moyens d'information ne sont que des marchandises devant permettre à leurs propriétaires d'engranger des profits, en modelant au passage l'opinion. Pour ce faire, ils bénéficient des «talents» de bon nombre de journalistes qui n'hésitent pas à distiller les idées bien conformistes de leurs maîtres, oubliant qu'ils sont eux aussi des salariés. Mais parfois la réalité les rattrape, et ils se retrouvent dans la situation des travailleurs dont ils n'ont jamais soutenu ni les revendications, ni les luttes.

Le personnel de France Soir, qui ne compte pas que des journalistes, s'est mis en grève. Des assemblées générales se tiennent chaque jour et la rédaction est occupée par les salariés, jour et nuit. Des numéros de France Soir-Résistance sont fabriqués, imprimés et distribués au public, pour expliquer les raisons du conflit. Un blog a été créé.

Quand les nouveaux repreneurs sont venus en visite et prendre contact avec le personnel, ils ont été superbement ignorés et accueillis par des dos tournés. Les travailleurs de France Soir ont mis en route un recours en justice pour annuler la décision du tribunal de commerce. Les avocats des salariés doivent rendre compte de leurs démarches ces jours-ci.

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