Autriche : Lorsque les syndicats font des «affaires», loin des intérêts des travailleurs20/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1968.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Autriche : Lorsque les syndicats font des «affaires», loin des intérêts des travailleurs

Début avril, Fritz Verzetnitsch, le président de la Fédération Autrichienne des Syndicats, l'ÖGB, a démissionné de son poste, et de son mandat de député social-démocrate au Parlement, à la suite des allégations selon lesquelles il aurait utilisé le fonds de grève du syndicat comme garantie contre une perte d'un milliard d'euros subie par la banque Bawag dans des affaires spéculatives réalisées dans les Caraïbes. C'est le dernier épisode en date d'un scandale financier qui a éclaté en octobre 2005, un scandale d'un type courant dans le monde capitaliste des affaires.

Mais ce qui est tout de même particulier, c'est que la Bawag, la troisième banque du pays, est possédée à 100% par l'ÖGB. Son origine remonte à 1922, lorsque le chancelier social-démocrate d'alors, Karl Renner, créa la Banque du Travail à partir d'instituts de crédits ouvriers apparus en 1913. Il s'agissait, selon ses propres termes, d'éviter aux institutions ouvrières d'avoir recours aux organismes financiers capitalistes. C'était déjà un choix éloigné de la lutte de classe, qui traduisait le souci des dirigeants sociaux-démocrates d'installer leur immense appareil dans la durée au sein de la société capitaliste. Celle-ci ne leur en laissa pas longtemps l'occasion: après l'insurrection ouvrière réprimée de février 1934 et l'interdiction du Parti Social-démocrate, la banque fut dissoute.

Mais dans le cadre de la participation du Parti Social-démocrate (SPÖ) à la reconstruction de l'ordre bourgeois après-guerre, elle fut de nouveau autorisée en 1947, et se transforma en 1963 en Banque pour le Travail et l'Industrie (Bawag). Celle-ci devint alors progressivement une banque comme les autres, avec sans doute une clientèle plus populaire, en s'appuyant sur le poids de l'ÖGB, qui revendique 1,4 million d'adhérents dans un pays d'un peu plus de 8 millions d'habitants. Dans un premier temps, l'ÖGB ne possédait que 70% des parts tandis que les 30% restants revenaient à la coopérative de consommation Konsum... qui lui était liée. Après la faillite de Konsum en 1995, et les milliers de licenciements opérés parmi ses salariés dans les années suivantes avec la complicité du syndicat et du SPÖ, l'ÖGB devint le seul actionnaire de la banque.

Pour se sortir du guêpier actuel, les dirigeants syndicaux semblent avoir fait le choix de mettre en vente la Bawag. Mais cela ne changera rien au fait qu'ils ont poussé leur intégration dans la société capitaliste à un degré rarement égalé, en se comportant sous bien des aspects comme des capitalistes comme les autres. La Bawag possède ainsi des participations dans bien des entreprises, dont la Loterie Nationale ou encore la Bourse de Vienne. Tandis que l'ÖGB gère de son côté une kyrielle d'entreprises, dont des hôtels, des sociétés du monde des médias, et une participation dans la Banque Nationale Autrichienne.

Pour se défendre, les travailleurs autrichiens, qui sont en butte comme partout en Europe aux attaques du patronat et des gouvernements à son service, à la privatisation des services publics, devront bousculer ces dirigeants syndicaux bien plus préoccupés de gérer leurs «affaires» que d'organiser la défense des salariés: l'Autriche est ainsi un des pays d'Europe qui affiche le plus bas taux de conflits du travail, avec moins d'une minute de grève par salarié et par an pour la période 1950-2000!

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