Les banques suisses et l'argent des contribuables22/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1960.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Les banques suisses et l'argent des contribuables

Les banques suisses tentent de se refaire une réputation en prétendant lutter contre le blanchiment de l'argent sale. Elles veulent, disent-elles, rendre aux peuples spoliés l'argent que les dictateurs d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine, ont détourné pour le mettre à l'abri sur des comptes en Suisse. Après avoir fait fructifier des milliards de dollars pendant plusieurs décennies, en toute complicité avec ces dictateurs, les financiers font semblant de se racheter une conduite.

Après quelques affaires qui ont fait du bruit, comme celles du dictateur du Nigeria, le général Sani Abacha, qui avait détourné près de trois milliards de dollars, dont une grande partie séjournait en Suisse, ou encore celle du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko, gouvernement et banques suisses se sont dotés d'une législation, en 1998, la loi sur le blanchiment d'argent, censée moraliser la profession bancaire de ce paradis pour ceux qui déposent des fonds!

Dans certains cas, une partie des sommes détournées par les dictateurs ont été reversées aux gouvernements africains. Dans l'affaire de Sani Abacha, par exemple, les banques suisses ont restitué au gouvernement du Nigeria, sous le contrôle de la Banque Mondiale, 458 millions de dollars, sur les 700 millions détenus en Suisse. Peu de chose au regard des sommes détournées, car ce dictateur avait volé plus de 3 milliards de dollars qui, outre la Suisse, s'étaient dirigés vers d'autres paradis fiscaux comme le Luxembourg, le Lichenstein, Monaco. Il aurait aussi mis en place plus de 500 sociétés écrans. Les personnes et les institutions impliquées sont si nombreuses qu'on peut en conclure que le système bancaire international dans son ensemble a été complice de ce vol.

Même chose pour le dictateur zaïrois Mobutu, un grand ami de la France, de Giscard, Mitterrand et Chirac. Pendant des décennies, il a pillé son pays avec la complicité des multinationales françaises. Les milliards extorqués au peuple congolais, depuis les années soixante-dix, ont été drainés vers les banques suisses sans qu'aucun banquier ne le signale, secret bancaire oblige.

Cette "moralisation" des banques suisses tourne parfois à la mascarade, comme l'atteste l'affaire Konan Bédié, le successeur d'Houphouët-Boigny, en Côte-d'Ivoire. Celui-ci avait réussi à faire main basse sur plus de 24,8 millions d'euros d'aide médicale européenne destinée à la population ivoirienne. L'argent a filé directement vers les banques étrangères notamment suisses. Quand ses successeurs ont demandé des comptes à la Suisse, Konan Bédié a pu récupérer la plus grande partie de l'argent détourné, grâce à toute une série d'artifices juridiques mis en place par des banquiers suisses eux-mêmes! Konan Bédié coule maintenant des jours heureux à Paris, comme bien d'autres dictateurs amis de la France.

Toutes ces gesticulations autour de l'argent des dictateurs sont franchement dérisoires. Même si une partie de l'argent est restituée, elle l'est par l'intermédiaire d'autres instruments de la finance, comme la Banque Mondiale qui impose des programmes d'austérité aux pays d'Afrique et d'Asie. Il est confié à des gouvernements aussi dictatoriaux que leurs prédécesseurs qui continuent de spolier leur peuple. Autant dire que les populations pauvres n'en verront jamais la couleur. L'argent restitué changera seulement de main, voire de comptes en banque... suisse!

C'est l'ensemble du système bancaire international, gigantesque organisation financière, qui sert de plaque tournante aux milliards de dollars provenant de l'exploitation des peuples du Tiers Monde, des dictatures les plus sanglantes, des trafics d'armes, de drogue et de la prostitution ou du trafic d'êtres humains, un des marchés actuellement en passe de devenir un des plus profitables financièrement.

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