Le capitalisme, oiseau de malheur22/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1960.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Le capitalisme, oiseau de malheur

Depuis ce week-end et la découverte à Joyeux dans l'Ain, d'un canard sauvage victime du virus H5N1, la grippe aviaire a fait son apparition en France. La maladie est maintenant largement présente en Europe: en Allemagne une soixantaine de cas sont avérés, en Italie une dizaine, l'Autriche, la Grèce, la Hongrie ou la Slovénie sont également touchées. Aux portes de l'Union Européenne, la maladie a été détectée en Russie, en Ukraine, en Roumanie et en Bulgarie.

Jusqu'ici en Europe, seuls des oiseaux sauvages sont touchés. Et la mise en oeuvre de moyens pour tenter de juguler l'épizootie est impressionnante. Programmes de vaccination et de confinement des volailles d'élevage, fouilles de véhicules à la recherche d'oiseaux, dépistage systématique parmi les oiseaux retrouvés morts. Et face aux chutes brutales de vente de volaille (dont la consommation ne présente, rappelons-le, aucun danger), plusieurs pays de l'UE dont la France ont demandé à Bruxelles des aides aux éleveurs. La commission européenne n'excluant pas de telles aides si la pandémie s'étend sur le continent, en reste pour l'instant à autoriser des aides spécifiques de la part des États. Enfin les grandes puissances d'Europe se préparent à l'éventualité d'une extension de la maladie à l'homme: en stockant des masques pour limiter la propagation, en préparant des vaccins, et en emmagasinant des médicaments antiviraux comme le Tamiflu dont on espère une certaine efficacité contre la maladie.

Le contraste est frappant par rapport à la situation dans les pays pauvres. C'est pourtant là que les foyers sont les plus importants. C'est en Asie du Sud-Est que les premiers cas ont été décelés. Et aujourd'hui les foyers les plus menaçants pour l'Europe se trouveraient en Afrique, au Nigeria. C'est également dans ces pays que se sont produits des cas de transmission de la maladie à l'homme. 93 personnes ont été victimes de la maladie depuis 2003, dont 19 en Indonésie, 42 au Vietnam, et 4 en Turquie. Et la différence entre les situations en Europe et dans les pays du Tiers-Monde n'a rien de naturelle. C'est parce que les moyens sanitaires, les possibilités de diagnostic sont bien plus faibles en Afrique et en Asie que dans les pays riches que la pandémie animale a pu se répandre aussi facilement. Ainsi l'annonce officielle de la présence du virus au Nigeria, le 8 février dernier n'est intervenue qu'un mois après les premiers prélèvements d'oiseaux morts. Il a encore fallu dix jours pour y mettre en oeuvre les recommandations des experts et interdire les mouvements de volaille dans les États où la maladie était présente. Certains experts évoquent la possibilité que la maladie y ait en fait été présente depuis plus longtemps, peut-être plusieurs mois, mais n'ait pas été détectée faute de moyens de diagnostic.

Les cas de transmission à l'homme tiennent aussi d'abord à la misère et aux inégalités sociales. En effet le H5N1 reste un virus animal. Il ne peut se transmettre à l'homme qu'en cas de contact rapproché et prolongé avec des oiseaux infectés. Ce sont évidemment dans les pays les plus pauvres, où les infrastructures sanitaires et d'élevage sont les plus rudimentaires que ces contacts sont les plus fréquents. Et c'est là aussi où le simple travail d'information est le plus difficile à mettre en oeuvre.

Et si la pandémie est aujourd'hui limitée aux oiseaux, les experts considèrent sérieusement la possibilité d'une mutation du virus en une forme qui serait transmissible d'homme à homme, faisant ainsi planer le spectre d'une véritable épidémie. Cette possibilité reste aléatoire, mais plus il y a de cas de transmission de l'oiseau à l'homme, plus elle devient probable. Certains experts parlent d'un risque de 50% pour 500 cas humains de H5N1. C'est donc de la capacité d'isoler le virus et de le combattre chez les oiseaux, que dépend, pour une bonne part, la lutte contre une épidémie de grippe humaine. Et là encore c'est la misère et les inégalités sociales, responsables du maintien de véritables foyers de grippe aviaire dans les pays pauvres qui représentent le principal danger.

Enfin dans le cas où se déclarerait une épidémie de grippe humaine issue du virus animal, les plus touchés seront encore les habitants des pays pauvres, qui ne disposeront pas de masques en nombre suffisant, qui n'auront pas les moyens d'acheter vaccins et médicaments. Et comme on le voit déjà avec le SIDA ou les maladies tropicales, on sait bien que fournir ces médicaments à des populations non solvables ne sera absolument pas à l'ordre du jour pour les laboratoires pharmaceutiques avides de profits.

Alors que la grippe aviaire, certainement portée par les oiseaux migrateurs, ne connaît pas les frontières, celles du monde capitaliste représentent un véritable facteur de risque. Si c'est le virus H5N1 qui a tué des milliers d'oiseaux, des dizaines d'êtres humains et qui porte la menace d'une épidémie, c'est bien la misère et les inégalités qui empêchent que tous les moyens disponibles soient mis au service de la lutte contre la grippe aviaire. Une pandémie qui illustre une fois de plus que la plus grave des maladies de l'humanité reste le capitalisme.

Yves LEFORT

Convergences Révolutionnaires n° 43 (janvier-février 2006)

Bimestriel publié par la Fraction

Dossier: La crise permanente du logement.

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