Respect et tolérance : De curieux donneurs de leçons08/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1958.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Respect et tolérance : De curieux donneurs de leçons

La «liberté d'expression» ne s'use que si l'on s'en sert. C'est ce qu'il faut retenir des déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Douste-Blazy, qui s'est prononcé pour «le respect des croyances, de la religion, de la spiritualité de chacun».

Les autorités religieuses de tous bords ont abondé dans le même sens. Le porte-parole du pape a ainsi déclaré: «La liberté de penser et d'expression n'autorise pas à offenser les convictions religieuses de quiconque. Ce principe s'applique évidemment à toutes les religions». L'intérêt de ce principe pour ces autorités réside dans le fait qu'elles définissent elles-mêmes là où commence l'offense et où donc se termine la liberté d'expression.

Mais en matière de liberté d'expression, l'Église est mal placée pour donner des leçons, elle qui en 1864 dans le Syllabus, condamnait expressément la liberté de conscience comme une des «erreurs modernes». Elle était, ce faisant, bien dans la ligne des pères de l'Église.

Dès 417, Saint-Augustin expliquait cyniquement: «Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l'église du Christ; il y a une persécution juste, celle que font les églises du Christ aux impies. [...] l'Église persécute par amour, les impies par cruauté.»

En France durant plus d'un millénaire, l'Église par ses bûchers, ses tribunaux, ses inquisiteurs, mit effectivement beaucoup d'amour à persécuter.

Sous l'Ancien Régime, à l'époque où le catholicisme était religion d'État, combien ont été condamnés à mort pour avoir «blasphémé»? Pour ne citer qu'un exemple, en 1766, le chevalier de la Barre, âgé de 19 ans, fut jugé pour «crime d'impiété». Son crime? Avoir gardé son chapeau au passage d'une procession religieuse. La sentence du tribunal lui reprochait aussi d'avoir «chanté des chansons abominables et exécrables contre la vierge Marie, les saints et saintes» dans une soirée privée. Il fut condamné par le tribunal à être torturé puis décapité. Son corps fut ensuite brûlé avec le dictionnaire philosophique de Voltaire trouvé en sa possession.

Si depuis deux siècles, la religion catholique a perdu du terrain et a dû composer, elle ne cesse de vouloir reprendre la main et de vouloir régenter les consciences et la vie des gens.

On ne peut certes pas rendre la hiérarchie catholique responsable des actions de ses plus zélés partisans comme ces commandos intégristes qui ont plastiqué en 1988 le cinéma qui projetait La dernière tentation du Christ, un film de Martin Scorsese, jugé blasphématoire. Mais c'est bien l'Église qui a fait interdire par la justice, en mars 2005, une publicité inspirée du tableau de Léonard de Vinci La Cène, dont les apôtres étaient remplacés par des femmes. Les juges ont considéré que l'affiche constituait «un acte d'intrusion agressive et gratuite dans les tréfonds des croyances intimes» et que «la légèreté de la scène fait disparaître tout le caractère tragique pourtant inhérent à l'événement inaugural de la Passion», promouvant ainsi la «Passion» en une vérité historique qui de surcroît ne saurait être traitée avec «légèreté».

Pour tous ces gens-là, les seuls dont les «croyances intimes» peuvent être offensées sans problème, ce sont les athées, car les histoires à dormir debout sur les vierges engrossées par le saint-esprit sont au moins aussi offensantes pour la raison que les railleries sur la religions pour des croyants

Toutes les croyances ne sont pas respectables. Certaines sont barbares et doivent être combattues énergiquement. Y compris avec les armes de l'humour, de la dérision, ce que les calotins de toutes les religions appellent des «blasphèmes».

Le blasphème n'est plus, juridiquement du moins, un délit en France. Mais nous en revendiquons le droit, en particulier face à tous ceux qui ne croient même pas leur dieu capable de punir lui-même les blasphémateurs, et qui prétendent connaître sa volonté (mais n'est-ce pas un blasphème?) et agir à sa place.

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