Mittal Steel - Arcelor : Bataille de requins et de crocodiles01/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1957.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mittal Steel - Arcelor : Bataille de requins et de crocodiles

Le 24 janvier, le trust sidérurgique Arcelor s'emparait par une offre publique d'achat (OPA) de l'entreprise canadienne Dofasco, en déboursant 4 milliards d'euros, payant les actions Dofasco 61% de plus que leur prix initial.

Trois jours plus tard, Arcelor était lui-même l'objet d'une OPA par le premier producteur mondial d'acier, Mittal Steel, qui propose de mettre sur la table pas moins de 18,6 milliards d'euros, 27% de plus que le cours des actions Arcelor du moment.

La presse patronale avait salué la prise de possession de Dofasco comme un succès. "Arcelor s'achète une place sur le marché américain", titrait La Tribune. Mais Mittal Steel y est présenté au contraire comme une entreprise indienne voulant mettre la main sur une entreprise française et européenne. "Arcelor barre la route au raid de l'indien Mittal", claironne la même Tribune. L'Humanité, qui n'est pas en reste de nationalisme, y voit "l'acier français dans la fournaise boursière". Guy Dollé, PDG d'Arcelor, déclare refuser l'OPA, et joue à fond sur ce nationalisme. Il invite même les organisations syndicales à aller voir du côté des pratiques sociales de Mittal Steel...

Comme si Arcelor avait eu le moindre respect des conditions d'emploi, de travail et de vie de ses salariés depuis sa fondation. Arcelor a été constitué fin 2000 par la fusion des sociétés française, luxembourgeoise et espagnole Usinor, Arbed et Aceralia. Son siège social est au Luxembourg, un mini-État très connu comme paradis fiscal pour les entreprises.

Dès sa formation, Arcelor a annoncé des milliers de suppressions d'emplois en France, en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne. Il a fermé ou va fermer totalement ou partiellement d'autres usines, comme celle de Biache ou d'Isbergues dans le Pas-de-Calais. Il ne remplace pas les 1500 départs annuels en retraite, contraignant les travailleurs qui restent à des cadences plus dures. Et cela uniquement pour faire plus de profits.

Et quels profits! 2,31 milliards d'euros en 2004! 2,59 milliards, durant les seuls neuf premiers mois de 2005! Sans compter qu'Arcelor s'est massivement désendetté. À l'échelle des 94000 salariés du groupe, les profits de 2005 représentent 3061 euros par salarié et par mois, bien plus qu'un salaire ouvrier! Des salaires qui n'ont augmenté que de 1,4% et 250 euros de primes à Arcelor-Dunkerque, alors que les actionnaires augmentaient leurs dividendes de 71% dans l'année!

Avant d'acquérir Dofasco, Arcelor avait un "trésor de guerre", des réserves estimées à 8 milliards d'euros. C'est de tous ces profits passés et futurs que Mittal Steel veut s'emparer, comme Arcelor s'est emparé de Dofasco pour les profits que rapporte le marché d'Amérique du Nord. Il n'y a là vraiment aucune différence.

Quant aux pratiques sociales d'Arcelor, une émission de radio belge expliquait le 19 février 2005 qu'en cas de menace de grève dans l'usine Arcelor-Belgo de Montlevade au Brésil, la direction faisait intervenir la police civile et la police militaire pour conduire de force les ouvriers à l'usine. Interrogé par des syndicalistes français à ce sujet, le PDG Guy Dollé a fait semblant de ne pas être au courant. Pourtant, c'est bien lui qui prend toujours comme exemple les rendements des usines brésiliennes...

Bien des travailleurs d'Arcelor sont inquiets des nouvelles suppressions d'emplois que cette OPA pourrait entraîner. Évidemment, on ne peut avoir aucune confiance dans les grandes déclarations de Mittal qui jure qu'il ne fermera aucune usine et ne mettra pas en cause les emplois. Mais il n'y a aucune raison non plus de se retrouver du côté d'Arcelor qui a montré que ses dirigeants mentent avec autant de cynisme. La seule sauvegarde des conditions de vie des travailleurs d'Arcelor et de Mittal tient dans leur capacité à se défendre ensemble.

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